1028 jours plus tard, Alejandro Talavante revient !

Dans une poignée de jours, Alejandro Talavante foulera le sable des arènes d’Arles pour la première fois depuis quasiment trois ans, presque jour pour jour après avoir dit stop.

Ce soir du 14 octobre 2018, les arènes de Saragosse fêtent le retrait des pistes de l’un de ses enfants chéris, Juan Jose Padilla. Le cyclone de Jerez termine une tournée d’adieux européenne par la célèbre Feria du Pilar. Un au revoir commémoré comme il se doit, en liesse et à hombros. A ses côtés, Jose Maria Manzanares triomphe aussi. Talavante non, il est pourtant très bien, mais bafouille ses conclusions. Les toros sont de Nunez del Cuvillo, un élevage qui plusieurs fois a consacré le torero de Badajoz, à Madrid notamment et par deux fois.

A trente-et-un ans, le maestro extremeño vit une temporada de hauts et de bas… le 25 mai, il ouvre la cinquième Grande Porte de Las Ventas de son histoire en coupant les deux oreilles de « Cacareo » de Nunez del Cuvillo. Une faena tissée de main de maître, haletante, intense, qui laissait présager d’une fin de saison en boulet de canon. Il n’en est rien. Talavante traverse la deuxième partie du cycle 2018 sans trop de peine, mais sans trop de gloire non plus. Ce soir du 14 octobre 2018 à Saragosse, l’annonce inattendue de son retrait et pour une période indéfinie abasourdi le microcosme taurin.

Talavante, c’est l’histoire d’un mec harassé, rincé par le milieu, par la frénésie des hôtels, des patios de cuadrillas. L’histoire d’un mec, essoré aussi par Toño Matilla. Un multicartes, à la fois empresario, apoderado et ganadero exonéré de scrupules. Une lessiveuse à billets, à toreros. Celui qui gérait jusque-là la carrière du désormais torero retiré, aura usé et abusé de son pouvoir pour faire tomber Talavante d’une bonne poignée de plazas espagnoles pour un désaccord d’officine et soyons honnête, pécuniaire. N’ayons pas peur des mots, un véritable boycott. Nous lui devons, en bonne partie et selon mon intime conviction l’arrêt subit d’Alejandro, le torero à la main gauche de rêve…

L’homme, plus encore que le torero a besoin de repos, de souffler, de se consacrer à d’autres choses que la vie trépidante d’un torero de sa catégorie. Un besoin de vivre, tout ce que le toreo vous abstient de vivre… Depuis petit garçon, Alejandro Talavante n’avait cessé d’évoluer en tant que tel. Celui qui, choyé en son temps par Antonio Corbacho et qui avait choisi pour modèle un certain Jose Tomas met ses rêves entre parenthèses. Le temps de sa retraite, le garçon est discret, partage son temps libre entre ses occupations liées à son élevage de toro bravo et d’autres activités plus introspectives, avec les siens et bien loin des lumières de la « siete de la tarde ». On ne sait rien, ou peu. Sinon que l’homme s’est rendu, comme simple aficionado, à Arles le 7 septembre 2019 afin d’accompagner son ami Juan Bautista qui lui aussi disait adieu au toreo.

Nul ne le sait encore, sinon lui, mais cette corrida Goyesque d’Arles va être l’un des éléments fondamentaux rendant vive l’envie de reprendre le chemin des ruedos. Ce sera Arles, et nulle part ailleurs… Alejandro Talavante donne sa parole à Jean-Baptiste Jalabert, désormais aux commandes des arènes de sa ville. Le torero de Badajoz remettra le costume de lumières le samedi 11 avril. Pour l’occasion, l’empresa locale façonne un mano a mano inédit avec l’arlésien Juan Leal. L’affiche sent bon. Talavante et son toreo de soie, Juan Leal et sa rage de vaincre, à coup sûr ça va faire des étincelles. Il n’en sera rien. Covid, pandémie, confinement … On connaît le refrain.

La situation sanitaire des plus incertaine, et fluctuante à souhait aurait pu rebattre les cartes… Bien des empresarios ont évidemment tenté leur chance auprès du torero extremeño et de son nouveau mentor, l’immense Jose Miguel Arroyo Delgado « Joselito ». Sans succès. Il n’en est rien. Une parole est une parole. Ni Séville, ni Madrid, ni Nîmes. Ce sera Arles. Comme promis. Toujours un samedi 11, mais en septembre cette fois. En costume goyesque comme pour rajouter une saveur supplémentaire à cet évènement. Toujours en mano a mano. Mais cette fois avec Andres Roca Rey, rien d’autre que le numéro mondial actuel. Un cartelazo de tout premier ordre. Surtout car les deux hommes, malgré un indéniable statut de figura del toreo courent toujours après un succès retentissant sur le sol français. Alors si la crise sanitaire nous laisse en paix, l’amphithéâtre romain pourrait se remplir jusqu’à la cime. La corrida pourrait être à graver à jamais parmi les plus belles pages de la tauromachie contemporaine. Talavante – Roca Rey : explosif !

En somme, Talavante c’est l’histoire d’un mec qui un jour a dit merde au toreo, mais rattrapé très vite par ce vers nommé « gusanillo », qui ronge les toreros jusqu’à en faire renaître l’envie, décuplée, plus forte encore cette fois. C’est l’histoire d’un torero, happé par la magie d’une corrida goyesque. Comme une éclaircie dans la grisaille, une évidence qui vous invite à vaincre le signe indien et redescendre dans l’arène afin de reprendre le fil de l’histoire. 1028 jours plus tard.

Crédits photos : Arjona, Administration Alejandro Talavante, Aurelien Christin.

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