Lundi soir, le rideau est tombé sur l’édition 2024 de la « Eeria del toro » de Vic- Fezensac. Dans la petite cité gersoise, l’aficionado vient voir des toros « présentés », des piques, des toreros qui ont envie de se faire connaître ou reconnaitre et surtout, surtout pour retrouver l’éthique de la vraie corrida. Cette éthique qui donne tout son sens, dans notre société que l’on veut de plus en plus aseptisée, à l’existence de cette rencontre entre un homme et un animal sauvage. Ici on côtoie l’aficionado et non le public. Et les trophées accordés ont une valeur certaine ;

Le menu de cette édition affichait en ouverture des  novillos de Raso de Portillo pour Alvaro Seseña, « El Melli » et Jesus de la Calzada. Face à ces novillos bien présentés, bons et nobles dans l’ensemble, seul « El Melli » se mit en évidence face aux deux meilleurs novillos de la matinée, dont le quatrième face auquel il signa la meilleure faena. De la Calzada laissa entrevoir de jolies qualités et Alvaro Seseña passa sans peine ni gloire.

Les Cuadri de l’après-midi étaient fort bien présentés, mais trop ou mal piqués, très inégaux de jeu, et difficiles. Rompu à ce type de combat, Fernando Robleño salua légitimement à l’issue de chacun de ses combats. Esau Fernandez qui se présentait, n’a ni compris l’esprit du lieu et n’a pas conquis le public. Il n’est pas certain qu’il revienne rapidement aux arènes Joseph-Fourniol. Gomez del Pilar, décidé comme toujours, paya le prix de l’extrême châtiment imposé par le hallebardier au dernier de la soirée. Bien dommage car on aurait pu vivre un grand moment. Mais l’heure était passée.

Vara, Juan de Castilla, Pagès-Mailhan et la pluie…

…ont donné un beau relief à cette matinée de dimanche sans temps mort sous une pluie incessante et une piste devenant au fil des minutes quasiment impraticable. Et dire que cette corrida concours a été magnifique est un euphémisme. Alors que de nombreux autres toreros auraient « expédié les affaires courantes », Sanchez Vara, en chef de lidia exceptionnel et Juan de Castilla, qui bien que toréant les Miura en fin d’après-midi à Madrid a été on ne peut plus présent  et sérieux, on fait plus que dignement honneur à leur profession et à leur costume. Le deux ont coupé une oreille de poids, de celles qui comptent dans une temporada. Rarement Sanchez Vara avait eté vu à ce niveau et Juan de Castilla, qui se présentait,  a laissé une remarquable  impression qui devrait lui ouvrir, pour peu que les empresas de notre pays s’y intéressent, de nombreuses portes. Octavio Chacon semble hélas pour sa part en perte de vitesse.

En concurrence avec les Saltillo, Palha, Prieto de la Cal, Veiga Teixera et Comte de la Corte, casi na’, le prix du meilleur toro est revenu en toute légitimité à « Ranchero II », n° 941, negro liston, né en mars 2019,  de Pagès-Mailhan. Preuve s’il en est du remarquable travail que font nos ganaderos nationaux.

L’après-midi, avec un temps nettement plus clément, les Dolores Aguirre, très bien présentés, plus ou moins braves face aux lanciers et souvent éteints au dernier tiers ont permis, une fois encore, de mesurer les qualités de Luis Gerpe (une oreille). Pour sa part, Damian Castaño, dont on note les progrès à chaque sortie, a salué une ovation à son premier. Alberto Lamelas a connu quant à lui une journée pour le moins discrète.

Après-midi entre douleur et triomphe

Annoncée avec la présence de Pedro Rufo, récent vainqueur du Bolsin de Bougue, la novillada sans picador du lundi matin a été réduite à un mano a mano entre Bruno Martinez (ET Huesca) et Juan de Morena (ET du Pays d’Arles) face à des pupilles du Lartet. L’absence de Rufo a été justifiée par un bulletin médical signifiant une blessure, mais on ne sait absolument pas ce dont a été victime le novillero. Au final c’est Bruno Martinez qui ressort vainqueur de cette novillada en coupant une oreille à un novillo de vuelta. Juan de Morena, vert et doutant souvent, a encore du chemin à faire. Mais on sait que cette profession et dure et compliquée. Laissons lui le temps.

L’après-midi, la clôture de la feria a été pour le moins agitée et….longue.

Les toros de Los Maños, très bien présentés mais différents de morphologie n’ont pas facilité la tâche des toreros. Le grand homme de cet après-midi a été « Morenito de Aranda », qui a montré d’énormes qualités, prouvant, après Alès voici quelques jours, que lui aussi n’est pas à sa place dans le circuit. S’octroyant une vuelta que personne ne demandait à son premier, il se grandit ensuite face au toro qui avait blessé « Roman ».

Ce second exemplaire de l’envoi, très dangereux, criminel et qui sème la panique dans le ruedo,  blesse gravement « Roman » qui est conduit à l’infirmerie.  « Morenito de Aranda » lucide et grand professionnel, en torero expérimenté, se charge de la lidia. Faena poderosa de grand lidiador, notamment sur la corne gauche, sous les applaudissements du public. Grande estocade et oreille incontestable déposée devant la porte de l’infirmerie en hommage à son compagnon.

Face à son second toro le torero de Aranda de Duero, signe une remarquable démonstration brindée à « Roman ». Au cinquième derechazo conclu par le pecho, la musique se met à jouer. Nouvelle série supérieure et une autre sur la main gauche cette fois. Le toro est noble et charge museau au sol, bouche fermée. Le torero l’a lidié avec classe et intelligence. L’estocade en place justifie l’énorme pétition qui invite le président à sortir les deux mouchoirs blancs et le bleu pour le toro « Saltacancelas », n° 61, cardeno, « Morenito » invitant le mayoral a saluer. A la fin de la corrida, « Morenito », élégant et respectueux vis a vis de son compagnon blessé a quitté les arènes à pied sous une énorme ovation.

Dans ce contexte difficile et éprouvant – la corrida a été suspendue pendant une heure le temps de stabiliser et évacuer « Roman » – « El Rafi » qui se présentait à Vic, n’a pas connu une bonne journée. Le jeune matador nîmois a incontestablement été décontenancé par la situation et le comportement des toros de ce fer qu’il affrontait pour la première fois. Peut-on lui en vouloir ? Non, certainement pas. Et l’on peut lui faire confiance pour avoir fait avec Patrick Varin, son apoderado, l’analyse de cette journée. Trois silences ont ponctué ses prestations. De grandes figuras n’ont-elles pas connu des journées bien plus compliquées.

Ainsi s’est achevée cette très intéressante feria 2024.

Feria qui avant qu’elle ne termine, a permis au président Cabannes et au public de rendre un vibrant hommage mérité aux areneros qui ont fait un travail remarquable pour que la piste puisse être praticable le dimanche après-midi après la pluie du matin et jusqu’à la fin de la feria !

CHRONIQUE ROLLAND AGNEL // PHOTOGRAPHIES CHARLINE FABERES

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