Dimanche 16 mai, une matinée nuageuse et pluvieuse perturbe la belle carte postale habituellement visible depuis les cercados de la ganaderia San Sebastian. Dans un des terroirs AOC parmi les plus réputés de la Région, le bétail pâture sur la commune de Fontanes avec une vue imprenable sur le Pic St Loup et l’Hortus. En l’espace d’une journée, Gilles Vangelisti réalise une parfaite synthèse d’une vie dédiée à sa passion pour les toros et les chevaux. Alors que sa compagne s’affaire autour de l’enclos des montures, le ganadero prépare le pienso et la paille pour ses braves répartis sur les 150 hectares de terres aux couleurs printanières. Le lendemain, il troquera ses bottes et sa tenue de campo pour le costume et participer à la conférence de presse dévoilant les cartels de la Feria de Nîmes comme bras droit de Simon Casas aux côtés des élus Nîmois.

Gilles Vangelisti : Du barreau au campo en passant par les bureaux

Sa silhouette est connue dans le callejon de l’amphithéâtre gardois où Gilles Vangelisti brille toujours par sa discrétion, son élégance et son entregent. Les deux hommes se sont rencontrés par hasard au milieu des années 80 quand il était jeune avocat. Alors directeur des arènes pour Jean Bousquet, Simon Casas confie au jeune avocat un dossier visant à étudier la possibilité de bénéficier d’un taux réduit de TVA pour les spectacles taurins à l’instar des autres activités culturelles. Déjà !

Lui qui se rêvait manadier dans sa jeunesse à Mauguio, ne s’intéressait pas particulièrement à la tauromachie espagnole. Quand l’avocat a décidé de quitter le barreau pour mener des projets personnels, Simon Casas lui a demandé de poursuivre leur collaboration en intégrant son entreprise. Avec l’augmentation du nombre d’arènes gérés par l’empresa nîmoise des deux côtés des Pyrénées, Gilles Vangelisti s’est imposé comme le DAF (directeur administratif et financier) incontournable de Simon Casas Production. Il est devenu le bras droit et l’homme de confiance du patron des arènes de Nîmes, Béziers, Madrid, Valencia, Alicante, Albacete et Lisbonne. Certainement le seul qu’écoute Simon Casas dont il est le parfait complément. Car il est tout son contraire. Là où le producteur est volcanique, intuitif et parfois excessif, son bras droit est mesuré, méthodique et cartésien. Le feu et l’eau.

Une ganaderia fondée sur des bases de Jandilla et Daniel Ruiz

Mais depuis 1989, Gilles Vangelisti mène un projet personnel loin des « despachos » sur les terres de son beau-père Michel Rouquette avec qui il partage l’amour du toro alors qu’il possède un mas de 50 hectares à Gallician pour produire son foin. Avec son fils Matthieu, il a renoué avec ses rêves d’adolescent et ils ont créé la ganaderia San Sebastian en achetant du bétail de Jandilla (via Torrehandilla) et Daniel Ruiz. Matthieu Vangelisti s’est également fait remarqué dans le monde des toros par son engagement pour créer de l’aficion chez les plus jeunes à travers l’édition de livres d’initiation pour les enfants et les gonflables d’Happycionado sur lesquels se sont amusés les bambins des villes taurines de France et de Navarre.

Aujourd’hui, la grande majorité de la cinquantaine de vaches appartient à la première rame même si le dernier semental approuvé par Sébastien Castella provient d’un croisement entre ces deux origines. Deux lots de 26 et 24 vaches sont séparés et trois étalons se relaient pour conserver les familles génétiquement ouvertes.

Les dernières portées ont offert une trentaine de veaux et la camada 2021 se compose de 16 utreros qui attendent de trouver destination. Mais, pour l’instant, un seul exemplaire est programmé pour le « Gala taurin Christian Coll » de septembre prochain à Boujan.

Les premiers résultats de la ganaderia ont été très positifs et le pari Jandilla, avec cet alliage de bravoure et de classe, est en voie d’être gagné. Une vuelta posthume pour la présentation en piquée à Tarascon en 2013, deux oreilles pour Andy Younes – un des toreros maisons avec El Rafi, Castella, Dufau et Olsina- et une pour Pablo Aguado pour la novillada suivante en 2015 à St Gilles. Et la consécration le 16 septembre 2016 pour les Vendanges à Nîmes où les San Sebastian ont offert quatre appendices à Manolo Vanegas, Andy Younes et Tibo Garcia. Avant de connaitre son premier échec pour la Feria des Vendanges 2019, la famille Vangelisti a lidié un toro de vuelta à Alès en 2018 dont Marc Serrano a décroché un appendice.

Les ganaderos assurent avoir tiré les enseignements de cette contre-performance nîmoise où les qualités intrinsèques des novillos ont été gâchées par un manque de force trop marqué. Gilles Vangelisti estime, avec le recul, que l’origine provenait « d’un choix alimentaire qui a provoqué une faiblesse ligamentaire ».

Trouver un équilibre financier pour notre ganaderia

A l’image de tous les ganaderos français et espagnols, le contexte économique de la tauromachie laisse planer un vent de pessimisme : « pour trouver un équilibre financier pour notre ganaderia, il faut lidier deux novilladas par an. D’autant que nos installations ne nous permettent pas d’accueillir des activités touristiques qui sont essentielles dans la plupart des élevages. Or, le nombre de novilladas organisées en dehors des arènes de première catégorie, ce qui constitue notre cœur de marché, se réduit chaque année » regrette le ganadero.

Pourtant, deux novilladas parfaitement dans le type Jandilla, dont une plus sérieuse, attendent de figurer aux cartels des Ferias françaises mais le ganadero ne se fait pas d’illusion excessive pour vendre ses seize utreros. Il préfère conclure sur une note optimiste. « S’il reste quelques novillos, nous en conserverons pour la temporada 2022 où l’on pourrait sortir quelques toros « sueltos » en corrida si la dynamique est meilleure ». Même si le maintien de cette passion familiale se fera, une nouvelle fois en 2021, au prix d’un effort financier personnel.

Avec l’aimable collaboration de Stéphan Guin que je remercie (Texte et photos)

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