Assumer son rang, lui faire honneur, avec responsabilité, le sublimer, se sublimer, tel est le destin et le chemin choisi par Andres Roca Rey qui a démontré, une fois de plus, qu’il est bel est bien le numéro 1 actuel incontestable de l’escalafon. Avec Daniel Luque, le péruvien est sans conteste le torero de la temporada. Les deux se tirent la bourre, se détestent et se refusent l’un à l’autre. Pourtant dieu qu’un affrontement en piste et dans les règles aurait de la gueule …

Revenons à nos moutons, où plutôt à nos toros. Ceux de Victoriano del Rio, qui n’avaient rien de moutons. Correctement présentés, supérieur le 1, plus petit le dernier. Armés sans excès et avec du caractère, de la caste chez certains, de la violence chez d’autres mais aussi pas mal de parcours, notamment les trois derniers avec une évidente mention au grand (par le comportement) dernier toro de la tarde, « Voraz », d’une grande mobilité et concis dans ses profondes embestidas. De la présence sous le fer, sans toutefois de grandes bravoures manifestées, la majorité poussant sur une corne, le premier violent envoyant la cavalerie au tapis.

Passons rapidement sur la première partie qui, sans être d’un ennui abyssal, n’occasionna que peu d’émotions. Une première mi-temps de rodage dirons-nous, avant que la deuxième partie n’apporte effectivement, davantage d’alegria.

Alejandro Talavante débuta admirablement par de belles statuaires et passes changées sa première partition qui résulta toutefois inégale en intensité comme en tracé, le torero de Badajoz peinant à résoudre les aspérités du Del Rio. Son second passage fut d’un tout autre calibre. Face à un animal doté d’un bon tranco, le torero extremeño signa une entame époustouflante trois cambios agenouillés, poursuivant sur un bon rythme et signant d’admirables mouvements sur les deux cornes avec notamment plusieurs naturelles de velours. Faena d’une grande intensité conclue d’une lame portée en toute sincérité et récompensée d’une oreille de poids.

Invité à saluer sous l’ovation, Thomas Dufau, qui faisait ses adieux toréa parfaitement son premier à la cape, avant deux piques. Belle competencia au quite avec son ami Roca Rey à qui le montois brinda son premier combat. Faena bien débutée par cambios au centre avant alternance de mouvements valeureux de peu d’écho sur les travées, le Victoriano s’avérant complexe et particulièrement intempestifs dans ses coups de casque. De nouveau brillant capotera, l’aquitain dédia son ultime toro à sa compagne et ses enfants dans un brindis des plus émouvants. Face à un bon toro, encasté et avec du moteur, l’aquitain instrumenta une faena de correcte note, supérieure sur la rive droite donnant plusieurs muletazos notables en baissant la main. Hélas, le Del Rio baissa peu à peu pavillon et l’œuvre du garçon résulta plus inégale encore sur la fin. Bonne lame et oreille de despedida. Tour de piste ô combien mérité et justement fêté.

Le premier adversaire d’Andres Roca Rey n’avait rien dans le ventre et manifesta un caractère assez défensif et réservé. En revanche, ce fut une autre musique devant l’ultime, brillamment capté par le suave capoteo du péruvien, qui ne laissa rien passé, ni même un quite, flambant par chicuelinas et tafalleras. Après avoir brindé à son complice Thomas Dufau, le torero de Lima mis d’emblée les travées en ébullition sur une monumentale entame les deux genoux cloués dans le sable. Le protégé de Roberto Dominguez profita à l’envi des immenses qualités de noblesse, de caste et de classe de « Voraz » qu’il embarqua dans un trasteo de grand son. Technique d’horloger, temple, tempo et pouvoir au menu proposé par le nouveau roi du toreo. L’impressionnante mobilité du cornu permit au limeño d’étaler tout son répertoire. Arrucina ajustées, circulaire infinies, naturelles main basse et longues passes de poitrine. Public conquis comme un seul homme. Hélas une demi-lame vint quelque peu assombrir l’œuvre d’école d’un Roca Rey qui passa près, tout près d’être Consul. Il reste le Roi. Deux oreilles, sortie à pied par la Porte des Cuadrillas et vuelta posthume à « Voraz ».

FICHE TECHNIQUE DE LA CORRIDA

Arènes de Nîmes. Feria des Vendanges. Plus de ¾ d’arène. 6 toros de Victoriano del Rio

Président : Mr Angelras

Poids des toros : 543, 550, 540, 539, 518, 482

Cavalerie Heyral. 12 rencontres

Vuelta al ruedo posthume accordée au 6eme « Voraz » n°73 né en janvier 2019, negro de 482 kg.

ALEJANDRO TALAVANTE(cerise soutachée de noir et or) :  silence et oreille

THOMAS DUFAU(bleu outremer en velours et azabache) : saluts et oreille après avis

ANDRES ROCA REY(blanc sur blanc et argent) : silence et deux oreilles après deux avis

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