Scénographie signée Diego Ramos. Animation musicale par la soprano Muriel Tomao et le choeur Escandihado.

Quel bonheur ! Quel bonheur de voir une arène, sinon pleine jusqu’à la cime, abondamment garnie. Quel bonheur de voir cette ambiance si particulière que peut générer la tauromachie lorsqu’une symbiose générale s’installe dès lors que les premières clarines retentissent. Quel plaisir de lire sur les visages, le bonheur de milliers d’aficionados récompensés de leurs espérances, heureux jusqu’à l’ivresse d’avoir vécu une tarde entretenue et qui a tenu toutes ses promesses. Quel bonheur de revoir enfin Alejandro Talavante et sa main gauche de « puta madre ».

Cette corrida goyesque est unique. Elle permet une fois l’an de mettre d’accord ou presque, toutes les sensibilités taurines. Plus de toristes, ni de toreristes. Seuls des aficionados. Et elle peut générer de l’aficion. C’est ce que j’en crois, ce que j’imagine. Et c’est fait du bien. Pour moi cette corrida goyesque ressemble à une parenthèse enchantée dans la temporada. Elle nous sort de la monotonie chronique, nous transporte vers d’autres types d’émotions, plus intérieure. Tout y fait. Le décorum, sublime, soigné, magistralement orchestré par Diego Ramos. L’orchestre, Rudy Nazy et sa baguette magique, la soprano Muriel Tomao et le chœur Escandihado. Cette corrida goyesque c’est un peu mon Bazar Égyptien d’Istanbul, presque tous les sens en éveil. On voit, on ressent, en entend, on sent mais on ne touche pas sinon avec les yeux.

Excusez-moi mais « Putain que ça fait du bien » d’avoir les poils qui comme un seul homme se dressent sur vos bras à la vue de cette main gauche fantasmagorique de Talavante ou devant le panache et le tempérament d’un Roca Rey. Ce soir même les Garcigrande avaient du caractère, loin de ce que l’on voit depuis le début de la temporada, preuve s’il en fallait une supplémentaire que cette corrida-là est unique.

10000, nous étions 10000 lorsque les deux héros du jour pénétrèrent sur le sable tout de rose et de noir nappé. Dès lors les premières émotions. Puis une Marseillaise, à l’unisson, vibrante.

1028 jours plus tard, Alejandro Talavante mettait pour la première fois le pied sur le sable d’une arène. Il fut invité à saluer sous l’ovation avant de rappeler pourquoi l’attente de son retour était si forte. A l’issue de la course, une seule recommandation au maestro de Badajoz : ne plus tourner le dos au toreo.

Mention bien aux toros de Garcigrande, bien présentés, inégaux de capacités physiques, supérieurs en ce sens le 1er et 5eme, celui-ci solide face au groupe équestre en deux rencontres appuyées et mal dosées puis maniable face au leurre et primé d’une vuelta posthume exagérément généreuse. Le 1er fut celui détenant le plus de classe dans ses charges, noble et mobile le 2eme. Déception chez les deux porteurs de la devise verte et rouge d’Adolfo Martin, bien présentés et armés, mais globalement fades et faibles. Noblon le 3eme et sans transmission le 4eme. Mention bien au toro de Nunez del Cuvillo sorti en « cierra plaza », bien présenté, armé qui résulta brave, encasté et exigeant face à l’étoffe.

Face au premier de l’envoi, « Arreado » de Garcigrande, Talavante fut sublime à la cape dès les véroniques, jusqu’au gaoneras ajustées pour répondre au quite par chicuelinas et tafalleras du péruvien Roca Rey. Début de faena par statuaires, avant que les débats ne prennent une tournure d’authentique faena gauchère, les naturelles venant arraché les premiers et profonds olés ! Passage droitier de grand ton avec une conclusion par changement de main qui fit rugir le cirque. Final par bernadinas avant pinchazo puis entière traserita, un avis et une oreille.

Talavante lidia ensuite par fuera « Aviador » d’Adolfo Martin qui fit illusion brièvement sous le fer de Borja Ruiz, le lancier se faisant applaudir à sa sortie. Face à un animal dénué de forces et de faible transmission, le torero de Badajoz fit admirer sa décision et une main gauche de velours pour une poignée de naturelles au ralenti. Conclusion par ¾ de lame en arrière.

L’ultime partition de l’extremeño fut une véritable démonstration de toreo pur face au cinquième de l’envoi « Bandolero », un astado de Garcigrande primé d’une vuelta qui n’avait guère lieu d’être. Entame en se ployant avant de signer deux énormes tandas gauchères avec remate savoureusement distillés sous le museau du noble bicho. Que dire du passage droitier d’une concision artistique telle que la critique taurine n’a, à ce moment précis plus lieu d’être. Seules les émotions comptent alors. Faena variée, structurée tout en profondeur et magistralement conclue. Deux oreilles incontestables.

Andres Roca Rey fut inédit à la cape devant son premier de Garcigrande, sorti avec le dossard numero 2, nommé « Geriflate » qui prit deux piques sans véritable style et prises seul. Dans le dernier tiers, le bicho révéla davantage d’entrega et de vibrations dans ses charges. Le limeño proposa une partition ambidextre de bonne tenue dont l’épilogue, impactant et dans un terrain réduit porta sur l’assemblée. Estocade en place et oreille.

Le péruvien ne put en revanche qu’écouter le silence après le combat du cuarto « Madroño » d’Adolfo Martin. Un toro démuni de classe et de forces. Roca Rey tenta de s’imposer face à la fadeur de l’opposition à base d’aguante et de décision mais la mayonnaise jamais ne pris. Une vilaine lame latérale vint mettre fin à la vie publique de l’impétrant.  

Le torero de Lima mis en revanche les bouchées double face à l’ultime « Rosito » de Nunez del Cuvillo salué par de vibrantes chicuelinas. Deux rencontres prises avec force et bravoure les deux fois et applaudissements au picador Manuel Quinta. Quite par saltilleras ajustées avant entame par statuaires. La faena entra en fusion dès la première tanda droitière, puis sur les deux rives par alternance et ne baissa pas d’intensité jusqu’au final par molinetes, cambios por la espalda, dosentinas puis conclusion prodigieuse par luquecinas dans un mouchoir de poche. Brave et encasté l’animal à la devise aux couleurs de l’Italie. Estoconazo hémorragique. Vuelta méritée au Cuvillo et deux oreilles pour le garçon.

FICHE TECHNIQUE DE LA CORRIDA

Arènes d’Arles. Feria des Prémices du Riz. Corrida Goyesque. Toros de Garcigrande (1,2 et 5) Nuñez del Cuvillo (6) et Adolfo Martin ( 3 et 4).

Organisation : LUDI Arles Organisation

Présidence : Mr Hebrard, assisté de Mlle Melani et Mr Gueyraud

Poids des toros : 510, 500, 520, 495, 535 et 530 kilos.

Cavalerie Bonijol. 12 rencontres.

Sobresaliente : Miguel Angel Sanchez

Vuelta al ruedo posthume accordée au toro “Bandolero” n°121 né en octobre 2016 de 535 kilos de Garcigrande

Vuelta al ruedo posthume accordée au toro “Rosito” n°161 né en janvier 2017 de 530 kilos de Nunez del Cuvillo.

Saluts des banderilleros Jesus Diez “Fini” au troisième et Miguelin Murillo au cinquième.

ALEJANDRO TALAVANTE : oreille après avis, ovation et deux oreilles après avis

ANDRES ROCA REY : oreille, silence et deux oreilles après avis.

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