Alejandro Talavante, a peut-être trouvé en Arles sa nouvelle plaza talisman… Un après y avoir effectué son retour dans les ruedos avec un triomphe retentissant, le diestro extremeño revenait en Provence, attendu par un public qui l’a porté tout au long de l’après-midi avec un nouveau succès à la clé, venant sauver la tarde d’une déception pointant le bout de son nez…

Une édition de la Goyesque d’Arles 2022 en mode mi-figue mi-raisin qui aurait pu connaitre une autre destinée… Tous les éléments y étaient pourtant réunis. Une piste sublimement décorée, fruit de l’imagination de l’artiste Belín, une arène approchant du plein absolu, un temps sublime et trois toreros visiblement décidés à donner le meilleur d’eux même. Il manqua aux trois diestros davantage de décision, voir de précision au moment de certaines conclusions, et aux Garcigrande d’un peu de punch et de fond.

Harmonieusement présentés, sans excès ni de poids ni d’armures, les toros de Garcigrande et Domingo Hernandez (même maison) n’avaient malheureusement pas les capacités physiques de leurs bonnes intentions. Nobles en grande partie, exception faite au premier sournois et imprévisible, tous manquèrent de classe mais surtout de forces, s’éteignant le plus souvent à mi-parcours. Meilleurs les 2 et 5. Le premier fut changé après le tercio de piques. A la pique justement, tous foncèrent avec entrain dans les matelas, sans y faire preuve d’un investissement débordant. Le troisième fut mal et lourdement piqué.

Morante de la Puebla avait avec un certain génie, poussé à son paroxysme la tenue, à la couleur marshmallow bordée de noir. Souliers à boucle époque, montera goyesque nouée sous le menton et bas gris. Morante, dès le paseo, détonnait. Il est un torero d’exception, a part, chez qui chaque détails compte. De détails, le torero de la Puebla n’en fit guère devant son premier adversaire. Un sobrero de Garcigrande « Pasatiempo » venu suppléer le titulaire jugé invalide, pour un manque de force avéré et donc renvoyé vers les chiqueros… Devant un toro sournois, imprévisible et jouant du chef, De la Puebla ne s’embarrassa que peu, distillant une poignée de naturelles puis liquidant le fauve du bout des doigts en moins de 5 minutes. Mais Morante, ce samedi avait l’envie et son second « Restor » malgré un manque de fond, l’inspira davantage. Réception capotera à l’ancienne, sublimes véroniques et quite par chicuelinas ciselé au scalpel. La torerissime entame de faena, assis sur l’estribo est l’une de ses œuvres éphémères que l’œil aficionado rêve de figer dans sa rétine. Les muletazos en suivant, cristallisant d’inspiration et de toreria puis deux trincherillas de cartel. Cumbre ! Hèlas, le Garcigrande perdit les pédales comme étouffé, inapte à la tauromachie exigeante du maestro sévillan qui pesa sur le faible mental du cornu. Estocades périphériques à oublier.

L’après-midi fut celle d’Alejandro Talavante qui parait retrouver la forme au meilleur des moments. Le diestro de Badajoz ressuscita l’arène par deux faenas de grande musique. Une première copie soignée devant “Arabe” cadencée et juste dans un trasteo débuté en pliant la jambe, suivi de redondos langoureux devant un toro noble mais aux forces déclinantes. Bernardinas ajustées avant lame contraire suivie d’une déroute au descabello. Le torero extremeño brinda à l’artiste Belin sa seconde prestation face à “Espadacin” débutée tambours battant par rodillazos et conclue par de nouvelles bernardinas du plus bel effet. Entre les deux, un mélange de toreo fait de verticalité, d’inspiration, de muletazos relâchés et coulés. L’ensemble fut inégal d’intensité, le Garcigrande pêchant par manque de chispa et Talavante, dans un fauteuil fut le plus souvent souverain jusqu’au coup d’épée final, porté avec engagement et rapidement létal. Deux oreilles synonymes de succès.

Luxueux capeador, Pablo Aguado semblait avoir retrouvé de l’appétit après une saison en demi-teinte. D’une cape somptueuse, comme alpaguant la charge des fauves, le sevillan dessina deux réceptions savoureuses, par véroniques lentes, coulées. Des chicuelinas drapant tout le corps, pieds bien à plat sur le sable. Une orfèvrerie que l’on aurait voulu voir se poursuivre, plus longuement dans des derniers tiers hélas rapidement mis en échec par les forces déclinantes de ses deux adversaires et par un toreo le plus souvent décroisé, l’andalou manquant parfois d’idées voir d’inspiration notamment devant l’ultime. En délicatesse constante avec les armes.

FICHE TECHNIQUE DE LA CORRIDA

Arènes d’Arles. Feria des Prémices du Riz. Plein apparent. Toros de Garcigrande et Domingo Hernandez (3) plus un sobrero de Garcigrande (1bis).

Présidence : Mr Hebrard assisté de Mme Para et Mr Gueyraud

Poids des toros : 545, 500 (1bis), 505, 535, 510, 525, 520.

Cavalerie Bonijol : 14 rencontres (dont 2 sur le 1bis).

Salut du banderillero Ivan Garcia au sixième.

MORANTE DE LA PUEBLA (marshmallow et azabache) : division d’opinions et saluts

ALEJANDRO TALAVANTE (colombe et azabache) : saluts après avis et deux oreilles

PABLO AGUADO (nuit sur le Guadalquivir et blanc) : silence après avis et silence après avis

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