Ciudad Rodrigo première. Voilà quelques années que trottait dans mon esprit, l’idée de me rendre à Ciudad Rodrigo, afin de participer au très réputé Carnaval del Toro, cher à la cité mirobrigense, située à l’est de Salamanque et à moins de trente kilomètres de la frontière portugaise. Pour une première, disons que le souvenir demeurera pour longtemps fidèle à mes illusions…inoubliable.

Pour ceux qui désireraient s’y rendre, il n’y a pas cinquante solutions. Vous pouvez vous rendre à Madrid, par la voie des airs et y prendre un train RENFE qui vous conduira jusqu’à Salamanque en moins de deux heures, puis monter dans un bus direction Ciudad Rodrigo. Il vous en coutera moins de dix euros pour une grosse heure de trajet. Mais vous pouvez également dès votre arrivée à l’Aéroport Adolfo Suarez Madrid-Barajas, louer un véhicule afin de vous rendre à destination par vos propres moyens. A savoir qu’être autonome en déplacement vous sera bien utile si vous souhaitez comme nous vous rendre dans l’une des nombreuses ganaderias du coin.

Ranconneur dans l’âme, voilà quelques mois que je tanne madame avec ce voyage, pour lequel je n’ai toujours rien réservé. Bien entendu une fois mis d’accord, et sur l’itinéraire et sur la durée du séjour, de l’eau avait coulé sous les ponts et nous voilà face à une inflation colossale du prix du billet d’avion. Ça m’apprendra…

Il fallait donc nous rendre sur les lieux par nos propres moyens mais le plateau est alléchant. Entre, carnaval, visites de ganaderias, festival avec des figuras, capeas, encierro, bringue et gastronomie locale, c’est avec bon cœur que je vais « aguanter » les quelques 1200 kilomètres qui séparent la capitale, Nîmes, de notre lieu de pèlerinage. En voiture Simone… Nous ferons une halte pour la nuit à Vitoria-Gasteiz, capitale d’Euskadi, ville où siège le parlement basque.

A la première fraicheur du matin, de retour sur l’asphalte, « seulement » 450 kilomètres nous séparent de Ciudad Rodrigo et il me tarde d’y arriver enfin. Cette après-midi aura lieu un festival, ou défileront El Fandi et Manzanares, inédits en ces lieux aux côtés du salmantin Juan del Alamo et du novillero Juan Antonio Perez Pinto.

Arrêt furtif à Salamanque afin d’y déposer les valises et c’est reparti. Le lion qui trône sur le capot de la bagnole est plus fatigué que moi, totalement attisé par la découverte de ce fameux Carnaval del Toro. Dernier, mais vraiment ultime arrêt du côté de Sancti-Spiritus pour ingurgiter fissa un repas frugal et peu gouteux certes, mais peu cher…

Ciudad Rodrigo nous voilà, nous touchons enfin au but. D’abord, une invraisemblable galère pour s’y garer… Après quelques longues minutes à râler tout ce que j’avais de mauvaise foi, nous sommes enfin stationnés. Nous étions loin de nous douter que, parquer la tire ne serait pas la seule galère du jour…

La ville est en ébullition. Les manèges fonctionnent à plein régime. Toutes générations confondues vagabondent au milieu de la fête foraine. La ville, en d’autre temps nous apparait sublime. On peut y admirer de nombreux édifices religieux tels que la Cathédrale ou la Chapelle Ceralbo. Adossés à la plaza de toros érigée pour l’occasion sur la Plaza Mayor, des centaines, sinon des milliers de fêtards. Une vraie soulerie à ciel ouvert, mais rien de tout cela ne me choque, au contraire, en bon nîmois, j’ai même tendance à aimer ça. Mais pas de bamboula aujourd’hui, nous sommes venus pour les toros.

Ayant suivi les pérégrinations d’aficionados français les années précédentes et suivant les conseils avisés de quelques amis, nous nous dirigeons vers les accès de l’arène de fortune, plus d’une heure et demi avant le début du paseo. Ceux qui me connaissent savent que ceci n’est pas du tout dans mes habitudes. A dire vrai je suis plutôt du genre à arriver in-extremis aux arènes, retenu par d’interminables colloques d’avant course autour du « jaja » de l’amitié.

Bref. Nous voilà devant l’entrée. L’appétit toujours autant aiguisé face à la découverte de cette enceinte de bois. Attirail sur le dos, je me projette déjà vers les prochains clichés que je vais pouvoir faire. Il faut dire qu’il y a, en l’apollon Manzanares un joli modèle, qui sorti de ses habitudes de lumières suppute à d’élégants instantanés, en traje corto.

Mais il y a un mais. Et mon excitation va rapidement laisser place au questionnement, puis à la désillusion… En effet, voici une heure que nous attendons pieusement devant cette foutue entrée, devant laquelle est posté, un hurluberlu à la perruque frisée et visiblement bien abreuvé. Ici, pas de taquilla, on rentre dans les arènes, on s’y assoit et un membre des peñas viendra vous faire payer avant le paseo.  Voilà ce à quoi je m’attendais. Notre file n’avance pas d’un seul centimètre. Pire, nombreux sont les locaux à passer la porte de l’ami faussement chevelu, un billet à la main. J’avoue ne plus rien y comprendre. Devant nous, un groupe d’aficionados nîmois, dont certains habitués du carnaval. Au fil des minutes, nous voyons leurs mines se déconfire… Il y a une couille dans le potage c’est désormais certain. Plus d’excitation. Désormais c’est de la tension qui émane de moi et je dois vous confesser combien l’envie m’est venue de dégommer le pantin déguisé qui faisait office de portier.

Et là… Clac !!! « No hay sitio » qu’il dit…  Les portes des tribunes se ferment, devant nous… Littéralement refoulé. Un vrai rebond comme celui que l’on prend plus jeune à l’entrée d’une discothèque. Mais pas aux arènes putain ! Celle-là on ne me l’avait jamais faite. Le groupe de nîmois qui était encore plus près du but que nous est médusé comme un seul homme.

Je vous avoue que les premiers mots sortis de ma bouche sont impossible à écrire… A cet instant précis je n’ai qu’une envie : remonter dans la Peugeot et d’un seul trait rentrer chez nous. De Manzanares je n’en verrais pas un cheveu, ni même le « coche de cuadrilla » comme si la pomme était devenu le fruit défendu. Quelle rage nom de dieu. Et tous ces soulards qui me bousculent sur cette place aux insistantes effluves de Gin To’. Un qui me bouscule plus qu’un autre et c’est la castagne assurée. Mais lucide je me dis aussi qu’ils sont bien plus nombreux que moi et que je voudrais rentrer à Nîmes, au moins avec toutes mes dents…

Je suis abasourdi, abattu. Onze heures de route pour que l’on me claque la porte au nez. Mais c’est quoi ce bordel ici ? La gentille dame de l’Office du Tourisme viendra éclairer nos lanternes… « Ici, nous dit-elle, les tablaos (tribunes) appartiennent pour ainsi dire à des familles, qui en ont la jouissance. Ces derniers disposent d’une cinquantaine de places et s’ils ne viennent pas alors il reste pas mal de places libres. En général il y a toujours de la place mais cette année, comme il y a les figuras qui viennent, il est très compliqué de rentrer. Nous même étant de Ciudad Rodrigo ne pouvons y accéder. Et alors pour mardi ce n’est même pas la peine d’essayer. A moins de dormir dans les arènes. »…  Le mardi doivent toréer Morante, le Juli et le fils Capea, entre autre. Morantiste dans l’âme, la couleuvre passe très mal. Décidément ces figuras…

Nous reviendrons dans les rustiques arènes de cette ville fortifiée lundi, pour la novillada piquée, en costume de lumières. Il y a Montero qui torée…

Le retour vers Salamanque est d’un silence glacial… Nous ne nous en laisserons pas compter très longtemps et partons à la découverte de cette magnifique cité. A la nuit tombée, la vue offerte sur la cathédrale éclairée depuis le « Puente Romano » est à couper le souffle. Le coup de foudre est instantané. Nous sommes littéralement tombés amoureux de cette ville resplendissante. La Plaza Mayor, dont la construction fut achevée en 1756 est sans aucun doute la plus belle qui nous ai été donné de voir. Une véritable merveille.

Place désormais à l’apaisement, malgré l’aigreur de l’expérience que je viens de vous conter. Les succulents tapas de Cuzco Bodega qui sont à tomber par terre, apportent un peu de baume au cœur.

Demain nous irons à la découverte du Campo Charro. Ici plus d’une soixantaine de ganaderias. Parmi lesquelles Barcial, Juan Luis Fraile, Miguel Zaballos, Clairac, El Pilar, Puerto San Lorenzo, Jose Cruz, Valdefresno, Pilar Poblacion, Montalvo, Castillejo de Huebra, Montalvo, Caridad Cobaleda, Los Bayones ou Garcigrande. Pour nous ce sera dans l’ordre et en fonction des possibilités, El Pilar, Clairac et Valdefresno…

A ce sujet si vous souhaitez découvrir l’intimité du Campo Charro, n’hésitez pas à vous tourner vers l’agence spécialisée «  Andalucia Aficion », Virginie et Naïs, très professionnelles sauront être à l’écoute de vos désirs. C’est grâce à leur réseau que demain nous prendrons la route du Puerto de la Calderilla à la découverte de la ganaderia El Pilar…

A suivre…

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