L’un des plus grands chapitres de l’histoire de la tauromachie nîmoise s’est refermé hier, avec l’ouverture de la Porte des Consuls, pour la douzième fois, inévitablement, à l’endroit de Julian Lopez « El Juli », qui avec 51 corridas torées est devenu le recordman des paséos dans les arènes de Nîmes…

L’amphithéâtre romain avait fait le plein absolu, pour dire aurevoir et merci à la légende qui tant de fois gratifia le public de la cité romaine de son talent, au cours de matinées et après-midis historiques. Dire au revoir au Juli hier, pour toute une génération d’aficionados comme la mienne et bien d’autres, c’était avoir le ventre noué à l’heure des clarines, et des larmes aux coins des yeux au moment de son entrée sur le sable… Une acclamation effervescente, assourdissante. 13000 spectateurs debout comme un seul homme. Une tonitruante ovation, de remerciements, respectueuse et chaleureuse. Hommage poignant, appuyé et ô combien mérité à l’un des plus grands toreros des 30 dernières années. Une gratitude réciproque du madrilène envers le public de l’une des ses plazas talisman, pour un dernier paséo « desmonterado », tête découverte, comme il y a 25 ans de cela, une façon solennelle de boucler la boucle, la grande boucle. Une après-midi riche en émotions, fortes et palpables.

Pour ses adieux à Nîmes, Julian Lopez Escobar « El Juli » avait probablement imaginé d’autres partenaires de bal. Son premier Victoriano del Rio, invalide, fut changé par un sobrero du même fer, léger dans son combat face au groupe équestre de la maison Heyral, compliqué et d’une classe moindre dans le dernier tiers. Si le corps peut paraitre meurtri par 25 années de batailles, le mental du Juli, cette capacité, cette hargne, ce refus de l’échec sont encore bien là. Après avoir offert son combat à ses parents présents en barrera, il fallut toute l’expertise et la science du torero madrilène pour régler le manso de Victoriano en deux temps trois mouvements, par doblones dominateurs et puissants. Puis, la main toujours aussi basse, en « templant » peu à peu les séries droitières, celles de plus d’impact au son de « La Saeta ». Point de Julipié au moment de porter l’épée mais un engagement à l’heure de vérité, pour une lame basse. Deux oreilles fortement réclamées, la seconde plus contextuelle que réellement légitime. Le torero de Velilla fit peu piquer son deuxième adversaire avant, par un geste témoin de sa dimension, d’inviter Solalito a partager la pose des banderilles pour un joli moment chaleureusement ovationné. Un dernier brindis, très poignant avant une faena rendue difficile par la condition du cornu, manso et violent. Un toro manquant de relief que le madrilène finit par dompter à force de patience, avec dominio et une décision de tous les instants. Déterminé à couper l’oreille qui le ferai Consul une dernière fois, El Juli se livra à un final sur le fil du rasoir avant de loger une nouvelle mauvaise lame basse. Pétition d’oreille, accordée, encore une fois pour la sensibilité de l’instant. Pour une fois je ne mégotterais pas. Vuelta, sous les houras et dernière ovation au centre, tonitruante. Souriant, ému, le maestro des maestros a tiré sa révérence. Merci pour toutes ces années. Une page se tourne, un livre, une encyclopédie se ferme. Un autre s’ouvre, pour Solalito, pour Tomas Rufo. Qu’on se le dise.

A 17h48, Solal Calmet « Solalito » est devenu le 73eme torero français de l’histoire a recevoir l’alternative, des mains de son idole absolue qui lui céda les trastos devant le toro « Candidato » n° 12, né le 20 aout 2018, negro bragado meano corrido axiblanco de 512 kilos. Une entrée dans l’escalafon supérieur à saluer avec mention pour le torero local qui n’a jamais ménagé ses efforts, se signalant notamment sur de bons quites par chicuelinas à son premier puis sur le cinquième toro dévolu à Tomas Rufo et qui salua bien, par véroniques cadencées l’arrivée du toro de la cérémonie, préservé au cheval puis banderillé avec aplomb pour lequel Solal fut logiquement ovationné. Brindis plein d’émotions dédié à ses parents puis labeur débuté par quatre séries droitières données avec temple et justesse. Le nîmois connecta très vite avec son public, profitant des bonnes embestidas droitières du Del Rio avant de prendre la gauche, côté le plus complexe de l’astado qui n’offrit rien au local qui à base d’application et d’implication est parvenu a tiré plusieurs naturelles notables. Bon final par bernardinas avant conclusion par demi-lame puis entière en arrière. Pétition d’oreille non suivie d’effet.

Le torricantano se libéra davantage à son second passage, compliqué, car le soufflet retombé, il fallut quelque peu réveiller les travées. Ce qu’il fit, notamment lors d’un tercio de banderilles rondement mené pour lequel le protégé de Luisito s’attira une grande ovation. Après avoir dédié au public, Solalito débuta par de bonnes tandas droitières devant un animal compliqué et qui, après un bon début, tira très fort sur le frein à main. Au-devant d’un toro visé et désormais sur la défensive, Solalito jeta toutes ses forces dans la bataille au prix d’un véritable arrimon, à base de volonté et de cran, malgré plusieurs avertissements sans frais. Engagement véritable du nîmois jusqu’au coup d’épée final, portée légèrement tombé. Oreille.

Ceux qui jugeaient, la substitution de Morante de la Puebla par Tomas Rufo comme « bon marché », « bas de gamme » et autres inepties dégotées sur les réseaux sociaux, devaient être bien embêtés (pour ne pas dire autre chose) au moment où le torero toledano, crêpe sur le bras droit, pointait vers le ciel, les yeux remplis d’émotions, les deux oreilles de « Cantaor »… Car après avoir obtenu la grâce du toro « Enarbolado » de Cortes le 6 juin 2022, le diestro de Pepino a offert au public de la cité des Antonins un véritable récital devant un excellent toro de Victoriano del Rio, discret au cheval mais noble et d’une classe infinie dans le tiers ultime. D’emblée souverain à la cape, par de soyeuses et lentes véroniques de réception, Tomas Rufo a signé un véritable faenon, probablement la meilleure partition de cette Feria des Vendanges. Une œuvre naturelle, géniale, esthétiquement et techniquement admirable, par derechazos profonds, puis des naturelles sur les deux mains, douces et rythmées, sans nécessité de « toquer » seulement par l’inertie aérienne du leurre, le tout en totale communion avec l’auditoire. Luquecinas d’une exécution parfaite, au ralenti avant coup de canon final. Une partition majeure, récompensée de deux oreilles avec forte pétition de la queue, non accordée, occasionnant une bronca, à mon sens légitime envers le balcon présidentiel.

Tomas Rufo aurait mérité d’accompagner Julian Lopez « El Juli » par la Porte des Consuls. Son deuxième passage, face à un sobrero de Virgen Maria, fut un modèle de technique, corrigeant patiemment, avec science et savoir, les aspérités bien visibles d’un animal doté d’un léger fond de caste, violent par manque d’allant. Derechazos d’une grande volonté sur la courte distance, donnés un à un, admirables. Un coup d’épée d’effet tardif et l’usage du descabello eurent raison d’une pétition plus bruyante.

FICHE TECHNIQUE DE LA CORRIDA

Arènes de Nîmes. Feria des Vendanges. No hay billetes. 7 toros de Victoriano del Rio (2bis) et 1 Virgen Maria (5bis).

Président : M.Pastor

Poids des toros : 515, 534, 537 (2bis), 520, 538, 512 (5bis), 516

Cavalerie Heyral. 12 rencontres.

Solalito a reçu l’alternative devant le toro toro « Candidato » n° 12, né le 20 aout 2018, negro bragado meano corrido axiblanco de 512 kilos.

EL JULI (cardinal et or) : deux oreilles et oreille après avis

TOMAS RUFO (gris souris et or) : deux oreilles et saluts après avis

SOLALITO (blanc et or) : vuelta après avis et oreille

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