Il y a probablement longtemps qu’une novillada sans picadors n’avait pas autant tenu en haleine les aficionados présents ce dimanche matin sur les travées des arènes d’Arles. Un rendez-vous matinal ensoleillé des plus entretenus et dont le contenu aurait mérité un auditoire plus fourni (Environ 1/10 d’arène). Une novillada sans un iota d’ennui et pour laquelle il se doit d’équitablement partager les mérites. D’abord aux pupilles de Pagès-Mailhan, car les éleveurs des Jasses de Bouchaud ont conduit vers Arles un lot au comportement remarquable, avec plusieurs erales de grande note, tous mobiles avec divers degrés d’exigence et de bravoure, correctement présentés pour la circonstance. Du mérite également pour l’ensemble des six novilleros qui ont tous témoigné une grande envie de plaire, chacun avec son propre degré d’avancement dans la profession. Une envie décuplée, poussée à son paroxysme par l’équatorien Juan Palacios dont on n’a probablement pas fini d’entendre parler. On y reviendra. A noter que si « seuls » quatre pavillons ont été tranchés, tous les novilleros auraient pu sans quelques défaillance au moment de conclure, quitter le navire romain avec au moins une esgourde dans l’esporton.

Présidence discutable et discutée, voire même disputée en dessous du bon contenu de la course, la faute à quelques décisions contestables et un indéniable manque de sensibilité à un moment donné, peut-être basée sur une attente plus en adéquation avec un spectacle de catégorie supérieure. Une remarque qui n’engage en l’état que l’auteur de ses lignes mais visiblement largement partagé à l’issue de la course. Pour autant, il en devient lamentable que la présidente du jour ait dû être escortée au sortir de la course…

Revenu quelques heures seulement avant le paseo depuis la province de Guadalajara où il participait à un Certamen dédié aux novilleros sin caballos, le local de l’étape Fabien Castellani ouvrait les débats devant « Planchador ». Un eral encasté et animé d’un inlassable désir de boire le leurre, s’y engouffrant avec beaucoup de classe et d’alegria. Une caste vive qui déborda un certain moment le torero arlésien, qui resta globalement en deçà des qualités de son opposant durant la première partie de son trasteo malgré une volonté indéniable, avant d’en prendre finalement peu à peu de la mesure et de signer, accompagner par la bande, de bons mouvements sur l’aile droite à un animal n’excusant aucun répit. Manoletinas finales ajustées avant conclusion par lame entière. Deux oreilles, assez généreuse (à mon sens) la seconde et vuelta pour le Pagès-Mailhan.

Derrière, Nek Romero de l’école taurine de Valencia signa-en suivant une faena supérieure, d’intensité croissante dans laquelle chaque muletazos était pensé, savamment dosé, en complète adéquation avec le parcours du garçon, précédé d’une bonne réputation et qui débutera dans la catégorie supérieure à la fin du mois à Algemesi. Encore un excellent eral, doté d’une charge suave et classe, parfaitement consenti par le garçon qui dosa le final par le bas avant de loger une entière tombée au deuxième voyage. Oreille de valeur et pétition pour la seconde non suivie d’effet…

En troisième position, Martin Morilla de l’école taurine de de Sanlucar de Barrameda, récent triomphateur du Trophée Castella à Bellegarde. Bonne réception à la percale avant competencia bienvenue au quite avec Manuel Roman, les deux par chicuelinas avec avantage au style du second nommé. Faena d’intensité inégale comprenant d’agréables mouvements sur les deux rives pour un ensemble irrégulier, l’andalou et le Pagès-Mailhan ayant du mal à trouver un terrain d’entente. Labeur supérieur à gauche conclu d’un coup de canon.

Commentaire sensiblement similaire en ce qui concerne la prestation de l’andalou Manuel Roman, élève à l’école taurine de Cordoba. Un garçon au visage plus juvénile que ses compagnons de cartel mais à l’indéniable planta torera, déclenchant plusieurs gestes attestant d’une certaine toreria notamment de la gauche. Bonne maitrise des terrains, et pas mal de décision même si le garçon perdit peu à peu le contrôle du jeu. En déroute avec les aciers. Auparavant bonne compétencia au quite avec Juan Palacios, par faroles avant réponse de l’andalou par tafalleras et chicuelinas.

Puis vint le show Juan Palacios « El Pantera » qui pour sa première novillada sans picadors s’en alla attendre son adversaire à porta gayola installé sur une chaise en bois. Réception mouvementée suivie de quatre largas afaroladas de rodillas puis véroniques bien combinées. C’est aux banderilles que la panthère de Quito enflamma les gradins (et aujourd’hui la toile), clouant une première paire en sautant par-dessus le Pagès-Mailhan. Deux autres paires au quiebro et sensationnelle ovation du conclave. L’équatorien débuta sa faena les deux genoux dans le sable. Une entame allègre poursuivie par deux séries liées sur les deux ailes avant alternance de mouvements de bonne facture et d’autres plus brouillons, le tout animé d’une incontestable envie de plaire et de partager une joie bien visible de toréer. Le public tout acquis à sa cause, l’élève du Centro Internacional de Tauromaquia y Alto Rendimiento s’en alla conclure son œuvre comme il l’avait commencé, les rotules dans le sable pour des manoletinas serrées. Entière sin puntilla au deuxième essai. Oreille et très forte pétition de la seconde, non suivie d’effet par une présidence restée insensible aux arguments et la détermination du garçon, qui fit deux vueltas oreille en main. Bronca sonore au balcon.

Au sujet de Juan Palacios, je ne vais pas me faire que des amis, mais je lis depuis hier un nombre incalculable de commentaires sur les réseaux (maladie de mon époque) au sujet de la prestation du jeune homme, venant pour la plupart des absents qualifiant volontiers la partition de « charlottade ». Hormis cette suerte aux banderilles qui je l’avoue ne m’a pas plu des masses, on a surtout vu un garçon que la tauromachie vient extirper des faubourgs et de la misère de Quito, un jeune homme d’une extrême excentricité oui, mais touchant par son envie de croquer le monde et la vie à pleines dents. Un jeune animé d’une soif de plaire très palpable, heureux comme un pape d’avoir revêtu pour la première fois un costume de lumières au bleu défraichi. L’espace de 25 minutes ce garçon au parcours cabossé a occupé l’espace, donné du spectacle, fait de la poussière et personne autour de l’anneau n’a voulu en perdre une miette, ce n’est pas rien. La tauromachie est faite de diverses sensibilités, c’est aussi ce qui la rend belle et il a existé dans toutes les époques des toreros atypiques, excentriques ou complètement barrés, passés pour certains de « pitre » à idole. Juan Palacios n’est qu’aux prémices de sa carrière, que je lui souhaite longue et brillante. Le garçon est pétri de lacunes, mais aussi de qualités. N’est-ce pas aussi ce que l’on est en mesure d’attendre d’un novillero, sin caballos de surcroît ? N’est-il pas bon de voir un gamin, car ce n’est qu’un gamin que l’on juge, éclatant de panache et d’envie quand d’autres s’excuseraient presque d’avoir pris la place du copain … Alors que diable, laissez, laissons à ce garçon la chance d’exister, de grandir et rêver en torero,  d’affiner son toreo, de canaliser sa fougue et son intrépidité avant de vouloir le renvoyer d’où il vient comme j’ai pu le lire. Il y a en tauromachie un adage qui dit « el toro pone cada uno en su sitio » et se vérifiera, ou non.  Moi ce garçon m’a plu. Et à la sortie du tunnel, beaucoup faisait la queue pour une photo à la panthère … Même si l’a grande porte lui a été dérobée…

Difficile ensuite pour le mexicain Lopez Ortega, venu de la même structure d’enseignement tauromachique, de passer derrière son copain de promo. Salut par larga arodillada puis capoteo alluré. Entame genoux dans le sable au tracé irrégulier devant un novillo moins commode que ses frères. Peu à peu le mexicain s’est mis l’eral dans la cañasta et traça le meilleur de son œuvre à gauche avant arrimon au fil des cornes au plus près des tablas. Entière au deuxième voyage en conclusion.

FICHE TECHNIQUE DE LA NOVILLADA SANS PICADORS

Arènes d’Arles. Feria des Prémices du Riz. 1/10e d’arène. 6 erales de Pagès-Mailhan.

Présidence : Mme Melani assistée de MM Brémond et Ayme

Les novilleros Nek Romero, Martin Morilla, Manuel Roman, Juan Palacios et Lopez Ortegase présentaient dans les arènes d’Arles, les deux derniers débutant en novillada sans picadors.

Vuelta al ruedo posthume au 1er « Planchador » n°26 né en mars 2020.

Saluts de Pascal Mailhan et de Maryline Pagès à l’issue de la course.

FABIEN CASTELLANI(blanc et argent) : deux oreilles

NEK ROMERO(corail et or) : oreille et deux vueltas

MARTIN MORILLA(azur soutaché de noir et or) : saluts

MANUEL ROMAN(bleu fosséen et or) : saluts après avis

JUAN PALACIOS « EL PANTHERA »(bleu de France et argent) : oreille et deux vueltas

LOPEZ ORTEGA(rouge et or) : vuelta

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