Daniel Luque est revenu, comme si de rien était, moins d’un mois après une fracture du péroné, un coup de corne dans l’abdomen et une période de récupération engloutie en un temps record avec Arles et sa goyesque comme seul et unique objectif. Le torero de Gerena s’était promis à Arles, et Arles l’a salué, aussi chaleureusement qu’il l’a raccompagné dans sa descente triomphale du Parvis des Arenoises pour avoir coupé trois oreilles aux toros de Jandilla.

Donnée en l’honneur de Pablo Picasso, animée par l’orchestre Chicuelo II accompagné du pianiste Juan Antonio Sanchez, cette Goyesque d’Arles édition 2023 n’a pas connu les sommets atteints déjà à maintes et maintes reprises, tant sur le plan artistique que sur l’ambiance générale que l’on a senti un peu timorée par moments. Entrée légèrement en deçà des années précédentes malgré l’affiche alléchante. Temps splendide. Bonne présidence.


Les toros marqués du fer à l’étoile, furent correctement présentés, plutôt « regulares » d’armures et de gabarits. Réguliers dans le comportement global, formant un envoi noble pour la majorité, avec de la classe les 1, 3 et 4, rapidement éteint le 5, brave et plus sérieux l’ultime, plus compliqué le 2. De plus de présence au cheval les 3,5 et 6, l’ensemble du lot permettant à la terna de s’exprimer avec plus ou moins de brio et de succès malgré un manque de forces récurrent qui handicapa parfois les œuvres piétonnes.

Monumentale. C’est probablement le qualificatif qui conviendra le mieux à la forme actuelle de Daniel Luque. Monumental aussi, celui qui correspondra le mieux au mental admirable du diestro andalou rétabli en un temps record au terme d’une véritable course contre la montre et qui a offert ce samedi, deux leçons de toreo. Face au premier, l’andalou instrumenta une faena d’une justesse infinie, solennelle, au son du Concierto De Aranjuez œuvrant tout en maîtrise, pesant sur le Jandilla sans jamais l’asphyxier, courant parfaitement la main en guidant le cornu avec profondeur et cadence, notamment et surtout à gauche. L’œuvre, cousue d’excellence est parachevée d’une lame létale, en véritable coup de canon. Un coup de canon qui est également venu sonner la fin de cette corrida goyesque, avec une lame portée en majesté devant le brave sixième, moins noble et plus viril dans ses assauts mais qui finalement, passa malgré tout sous la coupe d’un Luque en mode démonstration. Moins animés, les débats prirent la forme d’une leçon de temple, et de savant dosage muleteril, sans brusquerie ni excès. Les toreros sont faits d’un autre bois. Avec Luque c’est sûr, cette citation purement taurine y prend tout son sens.



Dans la vingtième année de sa prise d’alternative, José María Manzanares a semblé avoir retrouvé ce jour, l’appétit qu’il lui manquait ces dernières années. Particulièrement décidé dès l’entame, le torero d’Alicante torea, de cape et de muleta avec beaucoup de vérité et de maestria. Une faena souveraine devant le premier, fut marquée par plusieurs séquences gauchères absolument captivantes, suivies par de longues passes de poitrine maison. Seule une épée tombée basse ôta à l’apollon alicantin un triomphe plus conséquent. Devant le quatrième, un sublime toro au pelage albahio, monument de noblesse et de classe, Manzanares torea admirablement de la main gauche, mais le manque de forces de l’animal rendit les débats moins fluides et la faena finalement manqua de corps. Un double échec avec la rapière fit s’évaporer tout espoir du succès.


Passons rapidement sur la première prestation d’Alejandro Talavante, devant l’animal le moins agréable de l’envoi, compliqué, auteur de plusieurs derrotes intempestifs et tournant court, devant lequel le torero extremeño répondit avec prudence dans une faena marginale et mal conclue.

Par trois faroles, Talavante salua l’arrivé du quinto, noble mais juste de forces et de fond auquel il administra une entame de faena magistrale d’aguante, les deux genoux dans le sable. Le maestro de Badajoz laissa ensuite éclater tout son sens de la créativité, et son inspiration au fil d’une faena au tracé irrégulier, aux sons successifs de “La Saeta” puis “Orobroy” d’une interprétation sublime. Grande série droitière, arrucina et remates par le bas. Le Jandilla, hélas dura peu et le final de faena fut plus accroché et accrocheur, un échec successif avec les armes venant mettre fin à tout espoir de trophée.



FICHE TECHNIQUE DE LA CORRIDA


Arènes d’Arles. Feria du Riz, Corrida Goyesque. Plein apparent. Toros de Jandilla


Président : Mr Gueyraud assisté de Mme Mélani et Mr Rey
Poids des toros : 500, 490, 515, 550, 545, 540.
Cavalerie Bonijol. 12 rencontres.

JOSE MARÍA MANZANARES: oreille et saluts
ALEJANDRO TALAVANTE : silence et vuelta
DANIEL LUQUE : deux oreilles et oreille

Share This