VIVA MORANTE !

Qu’il est difficile, même plusieurs heures plus tard, de mettre des mots sur l’exceptionnel, le génial, sur une œuvre d’art aussi éphémère soit-elle mais don l’intensité, l’émotion pure s’encrera pour l’éternité dans une mémoire d’aficionado. Tel un « lunes de resaca », les mots sont durs a trouver. Terriblement difficile d’extraire un seul qualificatif de ce que Morante a offert hier au public des arènes de Nîmes. Ce matin, je me dis « quelle chance avons-nous de vivre dans l’ère Morante » ! Du toreo d’empaque, pur, expressif, intense et créatif qui vous arrache les olé, qui vous broie d’émotions et vous tire des larmes ! Du Morante d’hier, rien à jeter. De cape et d’épée, une précision d’horloger. Lidiador hors pairs. A 18H tapante ce dimanche 28 mai, Morante de la Puebla prend les commandes du vaisseau romain, qui l’invite à saluer sous l’ovation. Le reste est pour l’anthologie, pour l’histoire. Une œuvre sans véritable fil conducteur, car chaque tandas est un « reboot » de la précédente. A chaque fois plus créatif, plus inspiré, plus andalou. Chaque muletazos d’une merveille absolue. Chaque mouvement possédant sa propre histoire, et ses sentiments. Ce fut tout cela Morante de la Puebla hier. Un toreo de sentiments, d’une expression artistique d’une telle dimension, d’une telle puissance. Un ballet, une farandole. Pas folle non, magique. Morante c’est l’espérance. Difficile de décrire une œuvre sans en dénaturer le contenu. Le contenant lui, 12000 spectateurs ébahis, envahis d’émotions, toujours diverses lorsqu’il s’agit de Morante mais debout comme un seul homme lorsque Majorelito roula sur le sable brulant après un recibir donné en majesté. Lorsque Morante distille son art, plus rien n’existe alors. Tout à un sens sans en avoir vraiment. Plus rien n’est grave finalement. On oublie la déchéance chronique du Nîmes Olympique, des Parralejo du vendredi ou qu’il va falloir fissa remplir sa feuille d’imposition. Hier, lorsque Jose Antonio Morante de la Puebla pointa vers les cieux les deux oreilles du Cuvillo, que j’aurais dépossédé du rabo, mes yeux se sont embués, j’ai fondu en larmes. Les mots de mon voisin de burladero résument à eux seuls ce que nous avons vécu « les amis je suis très heureux d’avoir vécu ce moment avec vous »…Pour une fois, il n’avait pas dit de conneries ! VIVA MORANTE.

Difficile ensuite de servir un diner raffiné lorsque l’on débute par un dessert cousu de fils d’or même lorsque l’on s’appelle Jose Maria Manzanares, et pourtant. Face à son premier l’alicantin proposa une faena au profil supérieur sur la corne droite, donnée avec autant de cadence que de pouvoir, en torero « macho », en lidiador. Sans la même saveur Morantiste, dans le pur style de la maison. Manzanares n’est plus le Manzanares qu’il fut. On le sent usé, en manque d’idées mais hier ce Manzanares là m’a plu. A son second, l’apollon logé dans un costume « nazareno y oro » juste sublime édita une performance là aussi très technique, droitière dans sa meilleure résonnance. Les deux fois, il tua d’une lame particulièrement foudroyante. Une oreille glanée au premier et une autre restée dans la manche du « señor presidente » qui entendit une bronca populaire après une pétition jugée minoritaire.

Au rayon des inventifs, Alejandro Talavante n’est jamais en reste. Particulièrement décidé et enclin a enflammer le cirque, le torero de Badajoz a signé devant son premier adversaire déjà une faena d’une incroyable intensité dès l’entame arodilladas, monumentale d’entrega. Composition majeure et stylée notamment dans l’admirable dessin des naturelles, de la gauche puis de la droite dans le final avant qu’un pinchazo ne vienne faire s’envoler tout espoir de trophées. Face au dernier, un melocotón très noble mais allant a menos, l’extremeño laissa éclore son inspiration dans une faena variée et la gestuelle très fine, créative et très personnelle. Un peu de précipitation dans la décomposition de l’estocade finale « quitta » un triomphe largement acquis. Oreille de compensation.

FICHE TECHNIQUE DE LA CORRIDA

Arènes de Nîmes. Feria de Pentecôte 2023. Plein. Beau temps, légèrement voilé. 6 toros de Nunez del Cuvillo

Organisation : Simon Casas France

Présidence : Mr Angelras assisté de Mrs Crudo et Sola

Poids des toros : 518, 514, 513, 521, 524, 525

Cavalerie Heyral. 12 rencontres

MORANTE DE LA PUEBLA (caña y oro) : deux oreilles et saluts

JOSE MARIA MANZANARES (nazareno y oro) : oreille et saluts après avis

ALEJANDRO TALAVANTE (violeta y oro) : saluts après avis et oreille après avis

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