Le rideau est tombé ce dimanche soir sur la cuvée 2021 de la Feria des Vendanges à Nîmes, dans le froid de l’automne tout près, et dans la déception. Pour cette dernière corrida dans l’amphithéatre gardois Simon Casas avait ficelé une affiche inédite : Antonio Ferrera seul contre six toros de Margé.

Devant 5000 spectateurs, sous un ciel dégagé puis progressivement changeant, le froid s’installant peu à peu, cette affiche dont je n’attendais personnellement pas grand-chose à déçu, énormément déçu. Cinq combats insipides et dénués d’intérêt de la part d’un Antonio Ferrera prudent, distant, à court de souffle et d’inspiration face à un lot très intéressant de la famille Margé dont le troisième exemplaire « Gamus » eut la vie sauve. Une grâce généreuse de la part du président Pastor, qu’il ne fallut pas forcer outre mesure au moment de glisser par-dessus le balcon présidentiel un mouchoir orange qui divisa logiquement l’opinion. Ce « Gamus » était un grand toro, noble, prompt et brave dans le derniers tiers plus que sous le fer de Jean-Loup Aillet en trois rencontres. Un grand toro oui, un toro d’indulto non. Ferrera l’a fait passer dans sa muleta, sans vraiment ni sincèrement toréer de vrai. Il fit charger l’animal de loin, de très loin parfois, comme de très loin il toréa, souvent.

Enhorabuena à la famille Margé pour ce résultat historique, qui n’a pas fini de faire parler. Mais l’envoi venu des Monteilles ne se résume pas qu’en cela puisque l’ensemble du lot fit honneur à la devise audoise, dans tous les tiers. Hèlas, un Ferrera complètement hors du coup passa à côté de certains bons toros comme les 1,2 et 5, et même le 6 bis, sobrero de Domingo Hernandez. Un ensemble correctement présentés, supérieurement armés les 1,2 et 3, plus commode et inédit vis-à-vis du reste de l’envoi le 4. Tous braves sous le fer à divers degrés certains plus impliqués et combatifs dans l’épreuve. Mention aux lanciers Antonio Prieto, Jean-Loup Aillet, Jose Maria Gonzalez et Gabin Rehabi pour leurs offices respectifs sur les équins de la cuadra Heyral au comportement remarquable. Le plus vibrant à la muleta fut le troisième, gracié. Les autres étant victime d’un Ferrera sur le reculoir et donc inédit dans l’exercice pour la plupart.

Grande déception face à la pâle copie rendue par le maestro de Badajoz, notamment lors du labeur muleteril de cinq de ses combats. Passer à côté de l’excellente condition du fameux « Gamus » aurait été une faute professionnelle… Pour le reste, le torero extremeño soigna les lidias, faisant piquer ses six opposants dans la longueur, cheval placé sous la présidence. Excellente prestation de l’ensemble de la cuadrilla, cavaliers et piétons. Intervention en sorties de cheval des sobresalientes. Tous concernés. A la muleta, ce fut une autre musique….

Le premier de l’envoi se nommait « Riscus », un animal à la présentation irréprochable, armé et bien roulé. Bonne mise en suerte pour deux piques, prises en s’employant les deux fois. Saluts des subalternes Raul Ramirez et Felipe Gravitó . Ferrera brinda aux travées une faena précautionneuse devant un toro bravito et mobile. Labeur majoritairement gaucher sans aucunes émotions. Pinchazo avant entière basse.

Le deuxième « Persée » est salué par quelques capotazos anodins avant d’être confié à un brillant Antonio Prieto, pour deux grandes piques puissantes. Tercio de banderilles à feu et à sang, le subalterne Javier Valdeoro se faisant violemment rattraper aux planches et essuyant une rouste sans gravité visibles. Venu à la rescousse de son compañero, le sobresaliente Alvaro de la Calle fut lui aussi salement jeté au sol et molesté par le Margé. Sans mal apparent. Nouvelle faena sans aucun écho, ni engagement de la part d’un Ferrera, peu en confiance et toréant de loin. Bajonazo. Toro applaudit à l’arrastre.

La soirée pris une tournure différente avec « Gamus », un astado armé, salué par quelques véroniques de bienvenue. Trois rencontres avec le groupe équestre monté par un Jean-Loup Aillet impeccable. Le Margé fut brave sous le fer, mais poussa inégalement en venant de loin les trois fois. Salut de Marc-Antoine Romero pour deux bonnes paires et bonne lidia de Julien Breton « Merenciano ». La faena qui s’en suivi s’avéra d’intensité croissante. Ferrera fit charger de loin et s’impliqua davantage que lors de ses deux premiers passages. Très noble, vif et brave, le Margé fut embarqué dans une faena comprenant quelques mouvements plus en adéquation avec la catégorie du maestro de Badajoz. Comprenant qu’il avait avec lui un public enclin à s’enthousiasmer, Ferrera s’employa à faire charger le fauve de loin dans une allégresse quasi générale prenant de plus en plus corps. L’affaire pris la tournure que quelques aficionados sérieux redoutaient et les premiers “indultos” descendirent avec virulence des travées. Ferrera ordonna à la bande musicale de reprendre fissa son œuvre et dans un délire quasi complet, Mr Pastor, chef de la troupe présidentielle ordonna que soit pardonnée la vie du brave « Gamus ». Une décision accueillie par une division d’opinions. Antonio Ferrera se laissa aller alors à quelques scories plus poblerinas que baroques et se fit prendre assez brusquement au moment où le garçon virevoltait en mode « salto de la rana » devant les cornes du Margé qui regagna donc vivant les chiqueros.

Le cuarto « Santi », était le toro le plus commode de la troupe. Il fut piqué à trois reprises, rentrant fort dans le matelas, en partant de loin et poussant fort en combattant. RAS ou presque dans le dernier tiers. Un pas en avant, trois en arrière. Ça passe loin, fort loin… Désarmé. Pinchazo. Bajonazo.

Le quinto « Flama » fut convié au même sort que ses frères… Trois piques, toutes prises en brave en rentrant fort sur la pièce montée. Salut de Fernando Sanchez et Jose Manuel Montoliu aux banderilles. Plus avisé, le Margé fut à peine abordé par un Ferrera en déroute qui liquida le fauve d’un bajonazo.

L’ultime « Merops » déboula tel un Falcon sur le sable de l’amphithéâtre, mais s’y invalida rapidement. Il fut changé par un sobrero de Domingo Hernandez, de presque six ans. Tiers de piques bien contenu par Gabin Rehabi en deux rencontres puissantes et prises avec implication par le quadrupède. Antonio Ferrera répondit aux demandes incessantes des travées et s’en alla partager le tercio de banderilles avec Fernando Sanchez et Merenciano qui « casqua » une grande paire. Labeur muletero évidé d’émotions et de style, jouant de prudence et sans cesse en reculant. Bajonazo. Dur de voir un Ferrera aussi peu dans le coup, dur d’imaginer qu’il affrontera le 3 octobre prochain seul six toros d’Adolfo Martin à Las Ventas…

Sortie à hombros par la Porte des Cuadrillas, exagérée…

FICHE TECHNIQUE DE LA CORRIDA

Arènes de Nîmes. Feria des Vendanges. 5000 spectateurs. Ciel dégagé puis voilé. Éclairage allumé au troisième toro. 6 Toros de Robert Margé et un toro (6bis) de Domingo Hernandez.

Organisation : Simon Casas Production France

Présidence : Mr Pastor assisté de Mrs Fayet et Rogier

Poids de toros : 515, 510, 490, 540, 490, 505 et 501 (6 bis)

Cavalerie Heyral. 15 rencontres

Sobresalientes : Alvaro de la Calle (canelle et or) et Jeremi Banti (vert et azabache)

Saluts des banderilleros Raul Ramirez et Felipe Gravitó au premier, de Marc-Antoine Romero au troisième, de Fernando Sanchez et Jose Manuel Montoliu au cinquième et de Julien Breton “Merenciano” et Fernando Sanchez au sixième.

Le troisième toro “Gamus” n°162 né le 3 février 2016, de 490 kg a été gracié.

ANTONIO FERRERA (vert et or): silence, silence, deux oreilles symboliques, silence, silence et silence.

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