Plantons rapidement le décor : Daniel Luque est un putain de torero ! Colossal ! En démonstration tout au long d’une après-midi d’exhibition de toreo grande. Trois leçons de tauromachie, trois. Cinq oreilles, cinq ! Et pas une d’elles, c’est assez rare, qui ne soit discutable. Car Daniel Luque a été incontestable. Magistral dans sa manière d’appréhender les qualités et défauts de ses adversaires, et, à la manière d’un Ponce, transformer les orties en tulipes. Méthodique et d’une précision d’horloger, Daniel Luque a offert trois partitions à teneur d’ouvrages. Daniel Luque est une figura del toreo, avec tout ce que cela sous-entend : temple, science, pouvoir, dominio, intelligence et majesté. Matador de toros dans sa plus grande expression. C’est-à-dire, épée en main. Trois coups d’épées, trois, ni uno mas. Trois coups de canon tombés là ou il se doit, dans la croix, avec autant de vérité que de précision.

Pour ce mano a mano inédit dans le Gard, six toros de La Quinta, correctement présentés, sans excès de poids ni de cornes et fidèles au type morphologique de la maison. Un lot digne d’intêret, qui sans être un grand lot de toros a permit de vivre une après-midi entretenue grâce notamment aux comportements variés des toros andalous, loin d’avoir à rougir de leurs combats sous le fer notamment pour les 3, 4, 5 et surtout 6, manso con casta qui par deux fois envoya le groupe équestre au tapis. Idéal pour le toreo le 1, doux mais sans vibrations. Plus exigeants les 2, 4 et 6, ainsi que le 3 car distrait et d’une expression limitée.

En première position déboula « Religioso », bien capté à la percale puis confié au lancier pour deux rations sans grand style. Dans la muleta, le La Quinta fut d’une grande noblesse, mais pêcha par manque de chispa. Dans un fauteuil, Luque offrit une première faena magistrale de temple. Sans jamais obliger le fauve, le conduisant avec majesté et douceur, sur les deux mains. En mode tentadero. Grand final par luquecinas, puis laissant place à la créativité avec le « palo » tenu à l’envers. Espadazo.

Son second « Bebedor » ne sortait pas du même tonneau. Qu’importe. Après qu’Ivan Garcia est salué aux banderilles, Daniel Luque se montra patient et technique face à un animal aux intentions difficiles à définir. Il fallait le faire ce toro, est Luque l’a fait, en polissant les aspérités, sans brusqueries mais avec temple, montrant simplement le chemin à un toro assez peu expressif sans ses embestidas. Faena de poderio conclue d’une nouvelle lame d’école.

Le quinto « Huron » fut soyeusement reçu à la cape avant que l’andalou ne laisse le soin de la mise en suerte à Jeremi Banti, ce qu’il fit brillamment par chicuelinas marchées. Le toro rentre fort, les deux fois, dans le matelas, salut de Juan Contreras puis brindis à Emilio de Justo. Nouveau trasteo rythmé et raffiné, véritable récital de maestria et d’élégance. Pas un seul muletazo de trop, chaque geste est effectué avec grandeur et minutie. Et que dire du coup de canon final… Dos orejones.

ue a signé à Nîmes ce vendredi soir de Feria, une prestation tout simplement XXL. Tarde de grandes responsabilités, de souffrance aussi. Le visage tiré par un corps meurtri, d’un coup de corne grave dans l’abdomen et d’une fracture du péroné, il y a tout juste un mois. Mâchoire et poings serrés, le regard grave jusqu’à la délivrance, à la mort foudroyante du quinto après un gros effort et ce malgré un triomphe déjà acquis. Relâché, visiblement soulagé, on devina une émotion très vive dans les yeux de l’andalou. Chaleureuse vuelta, et un sourire, enfin sur son visage. Chapeau Monsieur Daniel Luque !

Emilio de Justo est également sorti en triomphe, par la Porte des Consuls, pour la première fois de sa carrière et pour avoir ravi un capital de trois oreilles. La première tranchée à l’issue d’une première faena où le torero de Torrejoncillo a fourni un très gros effort devant un premier adversaire “Rabanero” qui semblait avoir un léger problème de vision, maniable mais brusque et parfois incisif dans ses assauts. Bons muletazos droitiers et beau final par naturelles droitières avant entière légèrement tombée.

Son second “Coronel”, sorti plein gaz des chiqueros fut admirablement salué à la cape avant de s’employer sous le fer à la 1ere rencontre. Dans le dernier tiers, l’animal se tournait vite, lorgnant les chevilles et décochant quelques coups de tête meurtriers, poussant l’extremeño dans ses retranchements. Emilio de Justo toréa avec beaucoup de voix et de prudence d’abord avant de se livrer davantage en deuxième partie de faena. Pinchazo puis demi-lame tendida.

Frissons avec l’ultime « Espartero », véritable manso con casta qui mis la pagaille au premier tiers, envoyant par deux fois au sol, Juan Bernal et sa monture. Lidia admirable de Morenito d’Arles au cœur d’un premier tercio chaotique. En bon manso con casta, le La Quinta avait de la monnaie à rendre et De Justo, au courage ne se défila pas. Vibrante première tanda en se doublant, puis enchainement de plusieurs séries droitières émouvantes. Bon passage gaucher puis légère baisse d’intensité avant que celle-ci ne remonte en flèche sur le final, par naturelles de face de grand calibre. Espadazo au deuxième voyage. Deux oreilles, généreuse la seconde.

Sortie en triomphe finale par la Porte des Consuls des deux toreros et salut du mayoral.

FICHE TECHNIQUE DE LA CORRIDA

Arènes de Nîmes. Feria des Vendanges. Demi-arène. 6 toros de La Quinta

Président : Mr Pastor

Poids des toros : 500, 506, 496, 492, 504, 496

Cavalerie Heyral. 12 rencontres

Salut des banderilleros Ivan Garcia au 3eme et de Juan Contreras au 5eme.

Sobresaliente : Jeremi Banti

DANIEL LUQUE (lie de vin et or) : deux oreilles, oreille après deux avis et deux oreilles

EMILIO DE JUSTO (truite saumonée et or) : oreille après avis, saluts et deux oreilles

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