Il est incontestablement, à la vue de la composition des cartels de la prochaine Feria des Vendanges, la surprise du chef. Alors que l’aficion nîmoise se prépare à retrouver l’amphithéâtre romain après une année de disette, dans l’intimité du campo Marcos Perez peaufine sa préparation qui le conduira le 19 septembre prochain à recevoir l’alternative.

Des mains de Jose Maria Manzanares et en présence de Juan Leal, Marcos Perez, petit fils du regretté ganadero Domingo Hernandez, deviendra le seul torero à accéder au rang de matador de toros en cette année 2020…

A quelques jours de cette date unique dans la carrière d’un torero, Marcos Perez a eu la sympathie de m’accorder un entretien dans lequel il évoque son alternative bien sûr mais également son affection pour l’aficion nîmoise….

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Sol y Sombra : Bonjour Marcos. Tout d’abord pourrais-tu nous dire comment se sont passés tes premiers pas dans la tauromachie ?

Marcos Perez : Je suis tombé tout petit dans la marmite de la tauromachie puisque j’ai la chance d’appartenir à une famille très taurine notamment car mon grand-père, Domingo Hernandez était le propriétaire de la ganaderia Garcigrande.

Dès mon plus jeune âge, je prenais place devant les tentaderos, à la finca. D’abord en tant qu’aficionado très curieux, puis petit à petit en prenant de l’âge j’ai commencé à donner quelques muletazos puis à sortir « de second » derrière les maestros ou les novilleros invités.

C’est à partir de ce moment-là que j’ai commencé à prendre ce qui n’était au départ qu’un jeu, très au sérieux. Dès lors je n’avais plus qu’une seule idée en tête : toréer et toréer encore, progresser, apprendre du toreo mais surtout du toro bravo. C’était devenu pour moi une évidence et je ne voulais penser à autre chose qu’à cela.

SyS : Venant d’une famille taurine reconnue, la décision de devenir torero a-t-elle été facile à prendre ?

MP : Comme je le disais précédemment je suis issu d’une importante famille taurine. Mon grand-père fut le fondateur de la ganaderia Domingo Hernandez, s’ajoutant à celle de Garcigrande. Je me suis formé et ai grandi au sein des fincas familiales, entouré de toros. Mon oncle gère actuellement les deux fers, accompagné de ma mère, et mon père Maximino Perez dirige plusieurs arènes. Devenir torero ne fut pas une décision facile, car j’étais conscient du regard des gens vis-à-vis de mon entourage familial qui peut faciliter, c’est vrai beaucoup de choses mais aussi engendrer pas mal de critiques, parfois plus poussées qu’en d’autres circonstances. J’ai pris rapidement conscience de la chance qui était la mienne mais aussi de la difficulté. Celle d’être torero. Et par moment je dois avouer que cela a mis sur mes épaules une pression terrible, parfois démesurée.

SyS : Comment se sont déroulés tes débuts ?

MP : J’ai pu débuter assez rapidement en novillada sans chevaux et en 2015 j’ai remporté le Certamen « Soy Novillero », à Illescas devant les caméras de télévision. Durant cette période en sans picadors, j’ai pu toréer un total de 33 novilladas et j’ai eu la chance de triompher à de nombreuses reprises, engranger de l’expérience et gagner en maturité.

Débuts en novillada piquée à Cuenca le 21 aout 2016

SyS : Et rapidement tu as pu accéder à la catégorie des novilladas piquées.

Rapidement oui, avec beaucoup de travail au campo notamment, j’ai ressenti le besoin de passer à l’échelon supérieur, ce que j’ai pu réaliser le 21 août 2016 dans les arènes de Cuenca, le jour de mes débuts dans la catégorie, où j’ai coupé trois oreilles à un lot de Jose Vasquez. Ce fut la seule course cette année-là, car par la suite pour des raisons personnelles j’ai décidé de couper ma temporada.

Après une période de réflexion, je me suis rapidement remis dans le bain et j’ai pu toréer en 2017, onze novilladas, mais les choses ne sont pas passées totalement comme je l’aurais souhaité. Alors par le biais d’un intense travail de préparation et à force de parfaire ma technique au campo je suis arrivé à me libérer de certaines gênes. Ainsi j’ai pu toréer lors des deux dernières temporadas une trentaine de novilladas et me suis présenter à Madrid ce qui constitue une étape importante. Mais je dois dire que la temporada 2019 fut pour moi la plus intense et la plus complète, en termes de responsabilités et de résultats artistiques.

SyS : Quels ont été les moments clés de cette étape comme novillero piqué ?

MP : Durant cette période en tant que novillero avec picadors j’ai connu d’excellents moments, comme d’autres moins bons, comme les jours ou tu n’arrives pas à t’exprimer pleinement. Ces jours-là tu te sens à la fois bien et mal, et ce que tu maitrisais la veille t’échappes… Mais je dois dire que les bons moments sont toutefois plus nombreux que les mauvais. Je garde un immense souvenir notamment des trois novillos que j’ai eu la chance de gracier, dont un de Garcigrande et deux de Jose Vasquez. Également certaines faenas que je garderais longtemps en mémoire, comme celles de Valencia, Saragosse, Murcia où Valladolid.

A mes débuts, je n’imaginais pas atteindre le statut de matador de toros, mais à base de travail, de constance dans les efforts, de remise en question perpétuelle, et de sacrifices tout arrive et je suis enchanté et pressé de fouler le sable des arènes de Nîmes le 19 septembre prochain.

SyS : Durant cette période tu as très peu toréé en France…

MP : C’est vrai ! J’ai toréé plus de quarante novilladas piquées et une seule en France à Garlin en 2017 de laquelle je garde un bon souvenir. Ce jour-là j’ai pu me sentir a gusto avec mes deux novillos de Pedraza de Yeltes et j’ai coupé une oreille de grande valeur. J’ai aussi participé au festival de Samadet l’année précédente ou j’avais ravi les deux oreilles d’un utrero de la maison. Mais je conserve également de grands souvenirs de toutes les corridas que nous avons lidiés, ici en France ou il y a une grande aficion, que j’apprécie beaucoup.

SyS : Comment pourrais-tu définir ton concept du toreo ?

MP : Je crois que mon concept du toreo est un mélange de tauromachie classique et à la fois profonde. A chaque fois que j’ai la chance d’être devant un toro, j’essaie de faire ressortir au maximum toutes ses qualités, afin que l’animal puisse donner le meilleur de lui-même dans la muleta. C’est à ce moment précis que la profondeur de ma tauromachie peut s’exprimer pleinement.

SyS : Avant que cette crise sanitaire n’éclate, avais-tu prévu de prendre l’alternative en 2020 ?

MP : En raison de cette crise sanitaire terrible, 2020 devait être une année blanche, comme pour beaucoup de mes compagnons jusqu’à cette proposition de prendre l’alternative. A la fin de la saison dernière, avec mon entourage nous avions déjà envisagé de la prendre. Mais à vrai dire, compte tenu de la situation je n’y croyais plus vraiment, en tout cas pour cette année. Rien n’était encore planifié. Ni date, ni cartel, ni plaza. J’avais la possibilité de passer mon alternative dans des arènes comme Guadalajara, Alicante, Arevalo où Avila, mais avec ce confinement nous avons dû nous résoudre à reporter l’évènement, jusqu’à ce que Simon Casas me propose de franchir ce palier à Nîmes. Je n’ai pas mis très longtemps à accepter, Nîmes cela ne se refuse pas.

SyS : Le fait de finalement passer ce doctorat dans une arène de première catégorie avec un cartel de haut niveau, ajoute-t-il une pression supplémentaire ?

MP : Hombre ! C’est clair, prendre l’alternative dans une arène parmi les plus réputées du monde et avec un cartel de cette catégorie ! Manzanares est une « maxima figura del toreo » et Juan Leal connait une ascension fulgurante. Beaucoup de mes compañeros rêveraient d’être à ma place, en plus les toros sont ceux de la ganaderia familiale, dans laquelle j’ai grandi, là où je me suis préparé pendant tant d’années… Alors bien sûr, cet amalgame de choses augmente l’attente, la tension et la responsabilité mais parallèlement cela me procure beaucoup de joie, de fierté et une immense « alegria » !

SyS : Compte tenu de la situation, comment s’est passé ta préparation ?

MP : Cette année fut une année clairement et malheureusement atypique. Les circonstances ont fait que, nous autres toreros avons davantage toréé au campo, quand cela est redevenu possible bien entendu. En l’absence de corridas beaucoup de toros sont restés sans destination, j’ai pu alors m’entrainer avec beaucoup d’intensité, répéter les efforts et travailler dans le détail, pas seulement chez nous mais aussi dans beaucoup de ganaderias. Une préparation très active donc, plus qu’à l’accoutumée même. Donc si tu te poses la question, oui je suis prêt. Et impatient.

SyS : Si tu pouvais t’adresser au public nîmois, qu’aimerais-tu lui dire ?

MP : Si je pouvais directement m’adresser à l’aficion nîmoise, j’aimerais lui dire que quoi qu’il advienne je la porterai pour toujours dans mon cœur, car c’est elle qui sera le témoin de mon doctorat. J’ai toujours eu beaucoup de respect et d’admiration pour les Arènes de Nîmes et son public depuis le premier jour où j’ai découvert ce superbe amphithéâtre romain. J’y ai vu tant de grands maestros triompher, tant de grands toros que c’est un immense honneur et une chance pour moi d’y prendre l’alternative. Nîmes a toujours témoigné beaucoup d’amour et de respect aux toreros, aux ganaderos. C’est un rêve de toréer à Nîmes, un rêve qui grâce à dieu va s’accomplir le 19 septembre et cela me remplit d’illusion…

Un immense merci à Marcos Perez de m’avoir accordé un peu de son temps, en pleine préparation face à ce jour si important qu’est celui de l’alternative.

Samedi 19 septembre à 17h30, 6 toros de Garcigrande pour Jose Maria Manzanares, Juan Leal et Marcos Perez qui recevra l’alternative.

Reservations ==> http://www.arenesdenimes.com/

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MARCOS PEREZ EN BREF

Marcos Pérez Hernández

Né le 22 septembre 1995 à Madrid

Débuts en novillada piquée : le 21 aout 2016 à Cuenca, novillo de Jose Vasquez aux côtés de Aitor Darío El Gallo en mano a mano

Présentation à Madrid : 26 mai 2018, novillo “Vinazo I”, nº 122, negro, 538 kg de Fuente Ymbro aux côtés de Alejandro Gardel et Francisco de Manuel

Temporada 2019: 16 novilladas, 25 oreilles et deux queues

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