A la place qui est la sienne ! Emilio de Justo est un “pedazo de torero” qui depuis quelques temporadas signe de sa classe, de son tempérament et son toreo chaque tarde de toros. Un torero revenu de l’enfer et qui chaque après-midi mesure la chance qui est la sienne, une chance que le garçon de Caceres a su saisir à la force de sa muleta et d’un coeur immense pour devenir l’un, sinon le torero incontournable du moment. La place qui est la sienne est celle dans plus grandes tardes, dans les plazas parmi les plus importantes de la sphère taurine. L’extremeño l’a une fois de plus démontré ce dimanche à Las Ventas qui ouvrait ses portes pour la troisième fois seulement de la temporada. Des portes qui se sont ouvertes pour Emilio de Justo qui a offert une dimension de figura del toreo, protagoniste d’une tarde pour le souvenir et couronnée de trois oreilles qui auraient pu être quatre ou cinq sans un maniement incorrect du verdugillo face à l’ultime.

Antonio Ferrera, dernier torero à avoir franchi la Grande Porte de la Calle Alcala après son solo d’octobre 2019, dans un registre plus relâché aurait pu lui aussi couper un voir deux pavillons sans quelques maladresses au moment de conclure, les deux par conclusion maison avec de la distance pour deux lames basses.

Le lot de Victoriano del Rio, âgé car tous proches des six ans, très armé pour certains, a donné du jeu dans la grande majorité. Meilleur l’excellent cuarto, noble, brave, encasté et primé d’une vuelta al ruedo posthume. Mansos les 3 et 6, celui-ci s’améliorant au fil de la faena, violent et decasté le quinto, vibrant et classe les deux premiers.

Antonio Ferrera ouvrait les débats devant un monument de toro : âgé, armé, long et lourd. Un astado piqué à quatre reprises, sortant seul lors des deux premières avant que le maestro extremeño ne place cheval et lancier au centre du ruedo. Une rencontre lors de laquelle le Cortes s’employa longuement avant dernière ration de fer à l’emplacement prévu dont l’astado sorti seul à nouveau. Muleta en main, Antonio Ferrera exploita l’inertie du toro au cours d’une faena sérieuse et majoritairement gauchère au-devant d’un animal qui transmettait dans l’étoffe. Sur les deux mains, le torero de Badajoz exploita les charges vibrantes de « Soleares » avant de conclure d’une lame basse.

Le cuarto est un animal offensif et armé mais qui ne s’employa guère face au groupe equestre. L’astado, querenciado, réserva ensuite de douces charges que le natif de Bunyola exploita sur les deux rives dans un labeur vibrant, toréant relâché le long des tablas. Superbes naturelles main droite emplies de temple et de saveur données les pieds joints, rivés dans le sable. Estocada « caminando » maison, sur plusieurs mètres, hélas résultant basse et privant le chef de lidia du jour d’un éventuel trophée.

Face à l’ultime, un manso decasté et de peu d’options, Antonio Ferrera demeura inédit dans tous les compartiments et se montra maladroit au moment de conclure.

Emilio de Justo se distingua d’abord, face au premier de son lot, par une poignée de chicuelinas finement ciselées. Le torero de Caceres initia sa partition en se ployant face à un animal encasté et mobile mais qui transmettait peu. Emilio de Justo donna du corps à son œuvre, toréant de la droite et par le bas depuis le centre dans d’intenses échanges glanés à un astado qui tournait court. Sublime et vibrantes les naturelles données pieds joints et estocade engagée, en place et d’effet rapide libérant la première oreille de la soirée.

Le quatrième du lot s’avère être l’animal le plus harmonieux de l’envoi. Celui-ci plutôt discret lors de la réception capotera fit son devoir avec application lors de l’épreuve des piques. Emilio de Justo brinda à Cesar Rincon une faena de grande musique, complète et intense. Débutée de la droite, par génuflexions, l’extremeño allongea les charges du Victoriano del Rio qui répondit bien en prenant la profondeur avec noblesse et classe. Un animal brave et vibrant dans ses embestidas tout au long de sa vie publique que le maestro de Caceres s’évertua à sublimer par le tracé à la fois grave et profond de ses muletazos. Une faena qui prit corps sur la rive droite et qui connue son apogée sur la rive opposée à la suite de deux grandes séries de naturelles. Final par le bas avant entière en place d’un engagement à montrer dans toutes les écoles taurines. Deux oreilles et vuelta au toro.

Face au manso sixième, monté comme une cathédrale et très armé, l’affaire semblait mal acquise tant l’animal se montra peu enclin à donner du jeu. Fuyant les capes et prenant seul trois piques sur le cheval de réserve, l’astado a d’abord réservé ses charges avant de plier face à la décision et l’empaque du torero cacereño. Avec abnégation et patience, Emilio de Justo fit un effort considérable et embarqua le fauve dans d’intenses échanges sur les deux rives, plus vibrantes à droite, là où d’autres auraient pu se contenter de sauver la figure avec trois oreilles en poche et une grande porte acquise. Faena « entonada » de grand mérite, pleine de décision et de pouvoir hélas gâchée, malgré une lame entière, par un maniement défectueux du descabello.

FICHE TECHNIQUE DE LA CORRIDA (Diffusée en direct sur Plaza Toros Tv).

Plaza de toros de Las Ventas, Madrid. Corrida de la Cultura. No hay billetes de la capacité autorisée (6000 spectateurs). Toros de Cortes (1°) et Victoriano del Rio.

Salut des banderilleros Antonio Chacón et Pedro Sánchez au quatrième.

Vuelta al ruedo posthume accordée au quatrième toro “Duende” n°101 né en septembre 2015, negro liston de 551 kilos.

Sobresaliente: Alvaro de la Calle

ANTONIO FERRERA: ovation, ovation et silence

EMILIO DE JUSTO: oreille, deux oreilles et ovation.

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