Diego Ventura et El Juli triomphent lors du Festival qui marquait la réouverture de la Monumental de Las Ventas..

18h00, les portes de Las Ventas s’ouvrent et laissent place aux 7 toreros du jour. 6 figuras del toreo, et un jeune novillero de l’école taurine de Madrid qui redonnent de l’espoir à tous les aficionados madrilènes (et du monde) privés de toros dans les arènes les plus importantes du monde depuis deux ans. En témoigne l’ovation, importante, émouvante, des 6 000 spectateurs qui ont répondu présent, lors de l’entrée des 7 acteurs du jour sur la piste de Las Ventas. Une ovation très certainement contagieuse jusque dans les salons des aficionados devant leur télé. Oui, les aficionados madrilènes avaient envie de toros, et pour preuve, les 6 000 billets mis à la vente ont trouvé preneurs en moins de deux heures sur le site des arènes.  

 Lorsqu’un torero à cheval ouvre le cartel d’une corrida mixte, on a l’habitude de dire que c’est une sorte de lever de rideau, histoire de préparer l’assistance au véritable spectacle qui viendrait plus tard. Mais lorsque le torero en question est Diego Ventura, cela ressemble à tout, sauf à un chauffeur de salle. L’andalou a été l’auteur aujourd’hui d’une prestation de très très haut niveau. Pour l’occasion, il a offert aux aficionados et aux téléspectateurs une large revue d’effectif de sa cuadra : Campina, Fabuloso, Lío, Bronce et Guadiana ont lidié un très bon toro du maestro Capea. Dans tous les domaines, Diego Ventura a montré sa supériorité dans l’escalafón des rejoneadores : temple, entrega, technique, variété… Le niveau de l’andalou a mis la barre très haut. Tout comme la superbe découverte pour les aficionados du cheval Fabuloso qui s’est illustrés par des quiebros très ajustés et un temple remarquable le long des planches. Lío s’est montré à son avantage, comme d’habitude, alors que Bronce est destiné à suivre les pas du regretté Dolar. Avec lui, Diego Ventura, se donne le privilège de toréer sans brides. Impressionnant. Une entière et deux oreilles, pour un torero au sommet de son art et plus engagé que jamais. « Il faut que tout le monde réfléchisse et sache que si tout ça s’arrête, l’espèce va disparaitre et beaucoup de familles dans notre pays mourront de faim. Et je demande aussi au système taurin d’être solidaire, on doit tous tirer dans la même direction. »   

Enrique Ponce a du s’armer de patience. Pour ce jour, important, il avait choisi de lidier un toro de Juan Pedro Domecq, qui à cause de sa faiblesse, a été renvoyé au toril par le président. Son sobrero n’a pas connu de meilleur sort et le mouchoir vert a également été sorti par le président. Voilà donc le maestro de Chivas, devant un toro d’El Capea, d’encaste Murube, ce qui pour beaucoup d’aficionados rajoutera encore plus d’intérêt au festival. Malheureusement, le toro de Capea montrera les mêmes signes de faiblesse que ces congénères de Juan Pedro Domecq. Enrique Ponce prendra son temps, en début de faena pour ré oxygéner l’animal, malgré les protestations des aficionados, aussi exigeants que lors de la feria de San Isidro. « Madrid es Madrid » disait Ponce dans le patio de caballos avant le paseo. Quelques muletazos, pleins de torería, feront tout de même frémir les gradins mais le toro proteste, par manque de force, et Ponce ne pourra jamais l’obliger, l’attaquer ou donner du liant à ses muletazos. Finalement le toro se couchera après deux pinchazos, Enrique Ponce écoutant le silence des arènes de Las Ventas.  

El Juli ne cessera jamais de nous surprendre. Après 23 ans d’alternative, on pensait avoir tout vu. Certains le pensent même fini et le critiquent corrida après corrida. Mais les figuras del toreo, les toreros d’époque sont ne sont pas de la même trempe que le commun des mortels. Pour l’occasion il avait choisi un toro de Garcigrande, sa ganadería fétiche. L’une des seules ganaderías qui lui apportent la bravoure nécessaire pour supporter sa tauromachie si exigeante. Au capote déjà, les aficionados ont pu voir une nouvelle facette du Juli. Des mains douces, les bras à peine sortis, des véroniques qui ralentissent la charge du toro, encore sauvage à la sortie du toril. Non moins émouvant le brindis du Juli à un jeune aficionado, vraisemblablement atteint d’un cancer, « Je t’admire, tu représentes toutes les valeurs du toreo ». Muleta en main, El Juli donna un véritable récital. Tout d’abord par le bas, le long des planches, pour « mettre le toro dans la muleta », puis finalement sans trop l’exiger, pour le préserver, avant une nouvelle fois de donner des séries vibrantes, la muleta plus basse que jamais. Pendant toute la faena il laisse la muleta morte à la fin du muletazo, sans toque, laissant le très brave toro de Garcigrande répéter avec classe et avec plaisir jusqu’à 7 fois par série dans le leurre du maestro. Avant l’estoconazo, il laissera une dernière série gauchère, en descendant vers les planches, très relâché qui fera se lever les aficionados. 2 oreilles.

Le Victoriano del Río transmet beaucoup de sérieux lors de sa sortie du toril. Il pousse fort lors de la première rencontre au cheval de Paco María, picador de José María Manzanares. Dés le début de la lidia le toro se montre encasté. José María Manzanares se fera d’ailleurs surprendre à plusieurs reprises par les charges violentes et désordonnées de l’animal. Des charges sans classe, mais avec une certaine émotion tant elles transmettent du danger aux spectateurs. Autant sur la corne gauche que sur la corne droite José María Manzanares devra faire un gros effort pour dominer ce toro de Victoriano. Il profite de l’inertie du toro pour donner des séries vibrantes, sans le laisser s’arrêter entre muletazos pour une faena qui aura beaucoup de mérite. Jamais il ne pourra se relâcher et profiter de ce que représente un « festival » habituellement. « Madrid es Madrid » et Manzanares n’a jamais voulu baisser les bras, comme s’il était habillé de lumières un jour de San Isidro. Il tue d’une entière et coupe une oreille bien méritée.

Miguel Angel Perera vit, depuis le début de sa carrière, une belle idylle avec la ganadería de Fuente Ymbro. Il ne pouvait pas choisir une autre ganadería pour ce festival. Il connait cet élevage sur le bout des doigts. Il débute sa faena par un cambio à genoux, au centre. Prouesse qui passe presque inaperçue aux yeux des aficionados dans les gradins, ivres de bon toreo depuis déjà deux heures. Perera enchaîne avec des séries droitières dans un terrain réduit. Le toro de Fuente Ymbro, qui va à más, essaye d’attraper le leurre, en vain. Le temple étant l’une des grandes qualités du torero d’Extremadura. Petit à petit, Perera réduit les distances, comme il aime le faire, pour finir par une série de redondos très proche du frontal de l’animal qui s’est finalement éteint en fin de faena, dominé par la main basse et puissante du torero.
Il tue d’une entière et coupe une oreille.  

Le Jandilla de Paco Ureña est suelto en sortant du toril. Il sort du capote la tête en l’air et cherche à visiter le ruedo de Las Ventas. Il est difficile à mettre en suerte au cheval d’Oscar Bernal et semble peu intéressé au jeu proposé par les hommes en piste. Muleta en main, Paco Ureña fidèle à son concept, se montre toujours très pur et d’une sincérité à toute épreuve. Malheureusement l’animal bien que noblon, manque de rythme, de classe et de transmission. La faena ne prend pas son envol, malgré les bons détails laissés sur la corne gauche, le corps toujours exposé. Il tue d’une demie lame au troisième envoi.  

Le jeune novillero avec picador, issu de l’école taurine de Madrid, Guillermo García, a du patienter 3 heures avant de pouvoir donner les premières passes de cape. 3 heures pendant lesquelles il a vu ses aînés donner un récital de tauromachie, ce qui doit impressionner… Sans se dégonfler, il reçoit son novillo d’El Parralejo par plusieurs largas contre les planches. Comme il est de tradition, Guillermo García brinde sa faena aux six figuras qui ont partagé avec lui cet après-midi de rêve. Le bon novillo d’El Parralejo lui permet de se montrer aux yeux du grand public. Le jeune homme, conseillé depuis les tablas par le Fundi, se montre très serein, posé et sur de lui. Il toréé avec une technique plutôt aboutie et sait déjà ce qui plait à Madrid. Il pourra même aller jusqu’à montrer son courage après avoir reçu une violente voltereta sur une passe de pecho. En fin de faena, il réduit les distances, se recroisant et mettant son corps en avant entre chaque muletazo. Guillermo García, novillero avec temple, aguante et courage, sera à revoir, habillé de lumières. Il tue d’une bonne entière après un pinchazo et coupe lui aussi une oreille.

Festival diffusé en direct sur Plaza Toros Tv et Télémadrid.

Chronique de Gregory Boyer /// Photos Plaza Las Ventas

FICHE TECHNIQUE DU FESTIVAL

Plaza de Toros de Las Ventas, Madrid. Festival piqué. 6000 spectateurs (selon la jauge autorisée). 7 toros de Capea, Juan Pedro Domecq, Garcigrande, Victoriano del Rio, Fuente Ymbro, Vegahermosa et El Parralejo plus deux sobreros de Juan Pedro Domecq (2 bis) et Carmen Lorenzo (2ter).

DIEGO VENTURA: deux oreilles

ENRIQUE PONCE: silence

EL JULI: deux oreilles

JOSE MARIA MANZANARES: oreille

MIGUEL ANGEL PERERA: oreille

PACO UREÑA: silence

GUILLERMO GARCIA: oreille

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