Héros du solo avorté d’Emilio de Justo le 10 avril dernier, après avoir affronter les cinq toros restants à Madrid, Alvaro de la Calle, habituel sobresaliente de 47 ans défilera pour la première fois en six ans, en qualité de torero “titulaire” ce dimanche dans les arènes d’Arles. Après 23 années d’alternative, le torero salmantin ne se refuse à aucune perspective qu’un triomphe pourrait engendrer.

A quelques jours d’affronter les toros de Yonnet et Escolar Gil dans l’enceinte romaine, Alvaro de la Calle a eu la gentillesse de m’accorder quelques minutes durant sa préparation pour un entretien des plus agréables…

(Photos Plaza 1)

Sol y Sombra : Tout d’abord Alvaro, comment vous sentez-vous à quelques jours de ce rendez-vous arlésien ?

Alvaro de la Calle : Je me sens très bien, j’aborde cette corrida de dimanche avec beaucoup d’envie mais surtout énormément de responsabilités et d’humilité. Cette corrida est une grande opportunité, dans une feria de grande importance. J’ai envie de démontrer ce que j’ai en moi à l’aficion française. Sur le papier c’est une corrida de catégorie, très forte et sérieuse.

SYS : Les fers de Yonnet et de Jose Escolar Gil sont réputés difficiles. Est-ce que cela est un défi supplémentaire ?

ADC : Oui c’est certain. Et je vais tout faire pour en être à la hauteur. Ce sont deux encastes différents de ceux que l’on voit très actuellement dans les ferias. Ce sont des élevages et des toros très au goût des aficionados, deux grandes ganaderias avec des toros sérieux qu’il faut respecter et aborder avec beaucoup d’humilité.

SYS : La préparation a-t-elle été différente de ce qu’elle est d’habitude ?

ADC : Forcément, j’ai investi beaucoup plus de temps et de sueur dans mon entrainement en vue de cette corrida, même si la préparation d’un sobresaliente, qui est un torero au même titre que les autres, nécessite un entrainement intensif et rigoureux. J’ai redoublé d’intensité notamment au niveau de la préparation physique. Malheureusement je n’ai pas pu faire autant que campo que je l’aurais voulu, ni tuer beaucoup de toros en privé. Après j’ai été au paseo de plusieurs corridas en tant que sobresaliente, le costume ne me pèsera donc pas. Je viens à Arles avec mes armes, tout mon cœur et ma passion.

SYS : Revenons à Madrid. Comment cela se passe dans votre tête au moment où tout bascule ?

ADC : En vérité, je n’ai pas eu le temps de cogiter, tu ne le peux pas car tout va très vite. En tant que sobresaliente, tu te rends aux arènes comme si tu allais affronter une corrida complète, responsabilisé et conscient de tout ce qui peut se passer dans l’arène. Une blessure peut arriver à tout moment, il faut être préparé à cela, à combattre deux, trois, quatre ou cinq toros. Concernant Emilio, j’ai tout de suite perçu que la voltereta était très grave et qu’il allait falloir assumer la lidia des cinq toros restants. A ce moment-là, il faut avoir l’esprit très tranquille, rester lucide et faire preuve de sang-froid car il y a beaucoup d’émotions autour de soi. Un compañero à l’infirmerie et cinq toros dans les chiqueros. Les aficionados étaient venus voir Emilio et ils se retrouvent avec un sobresaliente, inconnu pour certains et les ceux qui payent leur place exigent de toi d’assumer.

SYS : Quelles ont été les sensations, tant vis-a-vis du public que devant les toros ?

ADC : Plutôt bonnes. Au premier toro, de Domingo Hernandez, l’ambiance était un peu froide, c’est normal car les gens étaient sous le coup de la blessure d’Emilio et se retrouvaient avec moi, Alvaro de la Calle. C’était comme si une autre corrida débutait en quelque sorte. Mais au fur et à mesure de la corrida, toros après toro, le public s’est mis de mon côté et j’en senti qu’ils avaient envie de me voir triompher. Je crois que j’ai su garder ma lucidité, pour connaitre de bons moments. Le toro de Victorino Martin était un toro difficile qui n’était pas vraiment pour le grand public, mais davantage pour le torero. J’ai pu je pense, bien lui faire les choses techniquement parlant. Le toro de Victoriano del Rio était un grand animal, très important, un toro avec beaucoup de noblesse et une grande transmission. C’est le toro avec lequel je me suis senti le mieux dans la totalité de sa lidia, il m’a laissé exprimer mon toreo et je pense qu’en étant plus décisif à l’épée j’aurais coupé une oreille de grand poids mais j’ai pu prouver devant ce toro que je savais toréer et interpréter le toreo qui me plait, comme devant le dernier toro de Juan Pedro Domecq. Au final je pense que j’ai rempli mon contrat, avec les armes qui sont les miennes, en respectant Madrid, son toro et son public qui me l’a bien rendu.

SYS : Beaucoup pensaient vous voir intégrer quelques cartels comme torero « titulaire », à Madrid notamment ? Comment expliquer que cela ne se soit pas passé ainsi ?

ADC : C’est quelque chose qui me rend particulièrement triste, vraiment. Je ne saurais pas expliquer pourquoi cette tarde là, avec les responsabilités que cela incombe, ne m’ait pas apporté davantage, je ne dirais pas de considération, mais plutôt d’opportunités. Bien sûr j’ai fait le paséo plusieurs fois comme sobresaliente, mais l’agenda ne s’est pas rempli davantage comme « titulaire », sinon pour quelques festivals. C’est une situation que je ne saurais expliquer et que beaucoup de mes compañeros, d’aficionados n’ont pas compris non plus. J’imaginais être répété à Madrid, où annoncé dans la région de Salamanca, ma terre natale. Nous autres toreros sommes prêts à affronter ce type de désillusion, de frustration.  Mais carrière n’a jamais été facile, pour autant je ne cesserai jamais de lutter.

SYS : Que pouvez-vous espèrer de cette corrida d’Arles ?

ADC : Cette corrida d’Arles peut changer beaucoup de choses. Elle peut, en cas de prestation importante et de triomphe, relancer ma carrière, embellir ma trajectoire après plus de 20 ans d’alternative. Cette corrida peut attirer l’attention sur moi, en France comme en Espagne. J’y fonde beaucoup d’espoirs car elle peut être le tremplin vers quelque chose de plus beau encore !

SYS : Vous avez eu une trajectoire importante comme novillero avec picadors avant une alternative triomphale. Comment expliquer que vous n’ayez pas eu davantage d’opportunités ensuite ?

ADC : C’est une question très importante, et que beaucoup d’aficionados me posent. Sans être novillero puntero, j’ai connu une trajectoire en novilladas piquées très importante. J’ai toréé dans beaucoup de grandes ferias, dans des arènes importantes. Des novilladas de respect en France, comme en Espagne et fait bonne impression pour ma présentation à Madrid. J’ai connu une alternative triomphale à Avila, en démontrant je crois toute la projection qui pouvait être la mienne. Les années suivantes j’ai eu peu de contrats, mais je toréais régulièrement, je triomphais et maintenait une bonne ambiance autour de moi. A Salamanca notamment où j’ai pu me montrer à la hauteur face à des toros de Barcial, Miura, Domingo Hernandez, ajoutés à cela des triomphes dans la région notamment en 2003 et 2004 qui sont mes temporadas les plus complètes. Malheureusement, ces succès n’ont pas eu la répercussion espérée. Devenir sobresaliente a été pour moi une opportunité de maintenir la flamme, de rester en vie professionnellement. J’ai ensuite toréé une corrida dans la province de Ségovie en 2010, puis pu combattre et couper une oreille d’un toro de La Quinta à Gijon alors que les maestros Antonio Ferrera et Javier Castaño étaient blessés. Ma dernière corrida en qualité de matador « titulaire » s’est déroulée à Muro aux Balèares avec Paco Ureña et Morenito de Aranda devant des toros de Montalvo. J’y ai coupé trois oreilles mais une fois de plus cela n’a pas eu de répercussions positives.

Gijon, 2013, une oreille d’un toro de La Quinta.

SYS : Pensez-vous que depuis cette corrida madrilène, le regard des aficionados a changé vis-à-vis des sobresalientes ?

ADC : Je crois que oui. Non seulement pour moi, mais également pour les autres toreros dans ma situation. Je pense oui très sincèrement que cette tarde madrilène a mis la lumière sur l’importance des sobresalientes. Nous sommes matadors de toros à part entière, avec tous les sacrifices que cela comporte, les mêmes angoisses au moment de faire le paseo. Etre sobresaliente demande une grande préparation physique et mentale car nous devons être aptes à affronter un ou plusieurs toros à tout moment. C’est un rôle à part, très dur car parfois les gens sur les tendidos ne connaissent même pas ton nom. Parfois tu n’as même pas l’opportunité de faire un quite… Je remercie très chaleureusement les membres de la Commission Taurine d’Arles et le maestro Juan Bautista d’avoir pensé à moi et de m’offrir cette belle opportunité. J’espère pouvoir leur donner raison, et tout cas je m’en sens pleinement capable.

SYS : Qu’aimeriez-vous dire aux aficionados qui vous attendent ?

ADC : Surtout, que je suis un torero humble, honnête, et qu’au-delà d’un éventuel triomphe je veux être digne de ma profession, d’une arène comme Arles et de son aficion.

ALVARO DE LA CALLE EN BREF…

Álvaro José de la Calle Hernández, né le 28 septembre 1974 à Salamanca

Début avec picadors : le 25 juillet 1993 à Candelario (Salamanca), novillos de Orive.

Alternative : le 15 octobre 1999 à Avila, devant le toro «Afectado» de Fernando Peña, en présence de Manolo Sanchez et Canales Rivera.

Confirmation à Madrid : le 27 juillet 2006, toros de Los Recitales en présence de Javier Castaño et Ivan Vicente.

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