La Feria de Béziers 2022 s’est soldée ce lundi 15 aout par le retour en terres héraultaises des célèbres toros de Miura, cinq ans après une dernière sortie des plus décevantes. Il n’en fut rien cette fois, car cette corrida de Miura là était une véritable corrida de toros. Une course intense, sans temps morts, mêlant à la fois suspense et grandes émotions. Une de ses courses qui ramènent un peu d’espoir, qui de concert comble le vide abyssal de la veille, et de bonheur d’avoir vu en piste six toros de respect et trois gladiateurs, honnêtes, sincères, engagés. De véritables « couillus » quoi !

A Béziers ce lundi 15 aout, on a vibré, tremblé, exulté face aux arrancadas de Barragano, devant la grande après-midi d’un Ruben Pinar retrouvé, devant le métier et la toreria d’un Domingo Lopez Chaves. Les poils se sont hissés quand un Manuel Escribano, diminué, groggy s’en est allé attendre les deux genoux dans le sable, à la porte des chiqueros un autobus de 600 kilos lancé plein gaz. Que c’est bon de vivre ces émotions, parfois contraires, mais puissantes, ardentes que seule la corrida puisse véhiculer n’en déplaise aux « en contra »…

Six Miura donc, tous dans le type de la maison mère, surement consanguins comme le veut le protocole de Zahariche, longs comme des wagons de marchandise, armés, en majorité playeros, hormis le sixième « enbané » comme un Camargue, et hauts. Les quatre premiers relativement discrets à l’épreuve des piques, en deux rencontres. Mal piqué le sixième, violent et manso à la morsure du fer et qui en sortit seul en quatre assauts. Brave, agressif, vibrant et se grandissant dans ses arrancadas, de plus en plus lointaines le quinto (sorti en 6), qui s’employa avec toute sa caste sous la pique d’un excellent Juan Francisco Peña. Mobiles à divers degrés de noblesse, de bravoure et d’agressivité face aux leurres les 1, 4, 6 et surtout le 3, le plus noble et maniable de l’envoi. Le quinto resta inédit dans le derniers tiers devant un Escribano amoindri par la violente voltereta infligée par l’infâme second.

Domingo Lopez Chaves donna le coup d’envoi de la partie devant « Pañoleto », un animal playero au long châssis. Bonne lidia cape en main avant deux piques, sans style véritable, le toro sortant arrêté de l’exercice. Le tercio de banderilles ré oxygéna le cornu qui fut loin d’être facile à consentir. C’était sans compter sur l’oficio et la main ferme d’un Lopez Chaves, lidiador implacable, qui embarqua le fauve sur plusieurs séquences admirable d’intensité. Sur les deux ailes, le diestro salmantino édita un trasteo de menos a mas comprenant plusieurs naturelles de haute valeur, s’étant mis le Miura dans la cañasta en mode leçon de tauromachie. Estoconazo d’école et oreille de poids.

Le cuarto, « Arpillero », lidié por fuera fut confié au groupe équestre pour deux séquences dans grandes histoires, l’astado poussant à la première rencontre avant de se défendre d’avantage à la seconde. Lopez Chaves brinda à Sebastien Castella une faena bien débutée en se doublant, imposant ce mando qu’ont les lidiadors de cette trempe a faire charger un animal de ce calibre et qui n’en avait pas forcément l’envie. Plusieurs tandas de bon ton, sur les deux bords dans un ensemble qui pécha un poil par manque de transmission. Faena valeureuse, sans dominer totalement un adversaire qui n’aura jamais rompu. ¾ de lame tombée tardant à faire son effet, ce qui agaça une partie du conclave qui, incompréhensiblement siffla le diestro de Ledesma alors que le Miura lui avait décidé de mourir en brave…

Manuel Escribano salua l’arrivé du sardo « Aguijito » par une larga cambiada de rodillas puis capoteo inégal devant un animal sournois et affichant très vite un penchant inquiétant pour la bagarre. Lidia a désirer pour deux piques. L’astado s’y employa peu et fut en définitive peu piqué. Le diestro de Gerena offrit ensuite un récital banderilles en main avec notamment une dernière paire par quiebro al violin dans un mouchoir de poche, s’attirant une vibrante ovation du respectable. Dans le dernier tiers, le Miura fut tout simplement inabordable. Âpre, violent, maléfique par ses coups de tête et ses charges aussi courtes que brusques. Sur un derrote, Manuel Escribano fut propulsé violemment dans les airs, puis cloué au sol faisant craindre le pire. Après quelques secondes pour reprendre ses esprits, l’andalou revint en piste la taleguilla en lambeaux, marqué d’une belle estafilade à l’arrière de la cuisse. Quatre naturelles à couteaux tirés en guise de défiance et conclusion par entière tendida et un coup de descabello.

Sous observation à l’infirmerie des arènes, où il reçut une infiltration, Manuel Escribano affronta son deuxième adversaire en sixième position. L’andalou s’en alla, attendre « Barragano » à la porte des chiqueros devant un public médusé par tant de cran. La verguenza torera. Larga cambiada de rodillas puis capoteo par véroniques ovationné avant l’un des grands moments de cette après-midi. Un tiers de piques dans son expression la plus pure. 4 piques, toutes prises avec puissance et implication, en allongeant la distance et recevant un vrai châtiment. Quatre vrais puyazos parfaitement administrés par Juan Francico Peña, ovationné et justement récompensé du prix au meilleur tercio de varas. Il serait audacieux et bien peu respectueux de reprocher ensuite à Manuel Escribano de ne pas avoir pu faire mieux face à ce Barragano, gazapón et qui resta finalement inédit. Diminué, roué de coups, hors de ses moyens le torero de Gerena essaya en vain, sans succès. Il y avait à faire mais on ne lui en voudra pas.

L’après-midi fut celle de Ruben Pinar qui se présentait dans la sous-préfecture héraultaise. L’albaceteño fut d’abord bon capeador devant le 3eme « Luminario », salué par véroniques pieds joints et la demie. Mise en suerte avec soin, le Miura fonça sans sourciller vers le matelas mais s’y investi peu en deux assauts bien captés. Muleta en main, Ruben Pinar échafauda un labeur de très haute facture, débuté en se doublant et poursuivi par de bonnes séquences droitières. L’animal répondit aux sollicitations du diestro avec noblesse, classe et transmission. Faena intense sur les deux bords, trouvant la profondeur sur plusieurs naturelles de grande facture avant final époustouflant en redondos puis genoux dans le sable. Entière tombée, efficace. Deux oreilles incontestables et vuelta exagérée compte-tenu du manque d’investissement à la pique, mais qui personnellement ne me gêne pas outre mesure. Rappelons qu’en d’autres lieux mouchoirs bleus ou oranges tombent pour moins que ça.

Le protégé de Davila Miura paracheva sa grande après-midi devant « Aparcero » lidié en cinquième position. (Manuel Escribano étant resté aux soins). Un toro haut, musclé, dénotant un peu du type morphologique de la casa, à l’apparence agressive. Manso au cheval en sortant seul des quatre piques, assez mal administrées d’ailleurs. Difficilement approchable aux banderilles, le cornu s’est finalement laissé faire quelques minutes, résultant agréable dans ses charges malgré un coup de tête vil à la sortie des muletazos. Le temps pour un Ruben Pinar en état de grâce ce lundi de proposer un trasteo compact, rondement mené face à un toro ayant gardé de son piquant, plusieurs séquences allurées notamment sur la rive droite. De l’émotion, et de l’intensité pour un labeur conclu d’une lame contraire d’effet rapide. Deux oreilles, généreuse la deuxième.

FICHE TECHNIQUE DE LA CORRIDA

Arènes de Béziers. Feria 2022. Plus de 3/4 d’arène. Temps radieux, chaleur caniculaire et brise légère. 6 toros de Miura.

Présidence: Mr Daudé

Poids des Toros : 603, 632, 640, 620, 600, 650.

Cavalerie Bonijol. 16 rencontres.

Vuelta al ruedo posthume accordée au troisième toro “Luminario” n°16 né en décembre 2017 de 640 kilos.

DOMINGO LOPEZ CHAVES : oreille et silence après avis

MANUEL ESCRIBANO : vuelta après avis et silence

RUBEN PINAR: deux oreilles et deux oreilles

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