Pouvait-il en être autrement ? Je serais tenté de répondre que non tant l’issue de ce feuilleton qui aura animé toutes les discussions près du Baratillo ces dernières semaines, paraissait connue d’avance.
C’est aujourd’hui qu’aurait dû se dérouler la première corrida d’un cycle sevillan déjà bien amputé. Avec une affiche « de relumbrón» : Morante de la Puebla, Roca Rey et Pablo Aguado la nouvelle idole locale. Mais il y a un mais. La Feria de Abril n’aura pas lieu, pour la deuxième année consécutive. Officiellement suspendue disent les communiqués de presse.
Un état de fait que l’on redoutait depuis quelques semaines déjà et qui n’a pas vraiment surpris. Mais pouvait-il vraiment en être autrement ? Au vue des prises de positions face aux conditions sanitaires venues d’un peu partout dans péninsule il n’eut été rêveur que de penser par l’affirmative. Voyez plutôt. 75% d’aforo pour les arènes de Castilla-la-Mancha, 50% pour celles d’Estrémadure. Séville où plutôt l’Andalousie aurait dû ou pu suivre … Mais non. Pas que la Junta locale ne l’ait pas autorisée. Non. Mais une distanciation sociale d’un mètre cinquante. Malin.
Complètement non viable en ce qui concerne les spectacles proposés pour cette Feria de Abril 2021. Sous cette condition sanitaire pondue par la Junta de Andalucia, la capacité d’accueil de la plaza sévillane aurait été réduite à moins d’un quart. Du côté de l’empresa Pagès, on a bien tenté de négocier mais en vain. Il n’y aura pas de toros. Punto y final !
Ni juge, ni avocat du diable il y a quand même quelques points qui poussent au questionnement. Alors à qui la faute ?
A la Junta ? Qui refuse à Ramon Valencia, pilote de l’empresa locale, d’accueillir les aficionados selon une jauge limitée à 50% et qui dans le même temps autorise un concert au Teatro de la Maestranza à quelques mètres de la Real Maestranza… Un espace clos qui lui a droit à une capacité d’accueil de 60%. Deux identités culturelles. Deux poids, deux mesures. Cherchez l’erreur. Quand la politique, en plus se mêle aux circonstances et profite un maximum de son pouvoir décisionnaire pour infliger un grand coup de verdugillo à la tauromachie… Rien d’autre qu’une attaque frontale, brutale et totalement injuste. Il a bon dos le covid señores…
A Ramon Valencia ? La question se pose. Toujours sans jugement aucun mais Ramon Valencia n’aurait-il pas pu adapter son programme aux conditions certes injustes et irrévocables mais imposées par décision politique ? Une absence de Plan B qui laisse songeur. S’adapter en proposant par exemple une série de novilladas piquées ou de novilladas sin caballos. Mettre en avant les toreros de demain, pour qui l’avenir ne nous mentons pas, n’est que peu enclin à l’optimisme. Mettre en valeur les « petites » ganaderias, comprenez hors G10 ganadero, qui ont tant souffert et souffrent encore de cette crise sans précédents. Il est facile d’écrire ces lignes-là, nous ne sommes pas dans les oficinas maestrantes mais la question mérite d’être posée. A mon sens, Séville pouvait se passer une fois de plus de ses figuras mais de pas toros…
Quid des toreros ? Un seul d’entre eux s’est publiquement exprimé, comme à son habitude sans langue de bois et avec toute la vérité que réclame celle d’un torero de son rang. Morante de la Puebla a depuis longtemps soulevé le problème politique qui petit à petit grappille du terrain sur le microcosme taurin. Mais il faut tristement avouer qu’il est bien le seul. Les autres ? Sans aucun jugement de valeur, tous bien au calme dans leurs propriétés respectives à préparer à l’abri des regards la maigre temporada qui se profile sans trop se soucier, publiquement en tout cas, de la situation qui aujourd’hui est la leur. Alors oui beaucoup se sont indignés, hier. Au moment où le bateau coulait vers les abysses, les señoritos irrités jetaient les bouées de sauvetage… A grands coups de tweets tous y sont allé de leur message, sans saveur véritable, en direction des autorités… Très tard, trop tard.
Chacun de son côté, au compte-goutte comme pour prouver ou se prouver une espèce de cohésion qui n’existe réellement pas. Seul on va plus vite, à plusieurs on va plus loin. Je ne l’invente pas mais cet adage ne semble pas vraiment de mise dans ce monde ou chacun abat sa propre carte de son côté, sans aucun esprit de corps… Dure et triste réalité.
Face à cette période noire, de lutte, de tensions et de déceptions est venu le moment de nous encourager les uns les autres. Ne pas se cacher, être solidaire, forts et unis. Ne pas se laisser diviser, ni par la crise, ni par les décisions qui viennent s’y greffer. La crise sanitaire ne doit pas, ne peut pas être un prétexte pour nous clouer au pilori…
Pour reprendre les mots d’une amie « Une culture ne meurt que de sa propre faiblesse, ne devenons pas la nôtre ».
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