On attendait Tomas Rufo, on espérait Antonio Ferrera mais c’est finalement Léo Valadez qui s’est taillé la part du lion en coupant la bagatelle de quatre oreilles et une queue face à un lot très intéressant dans sa globalité de Victoriano del Rio. Le point final de cette Feria d’Istres 2022, qui n’a jamais manqué d’intérêt, rendait hommage au Mexique – dont la Plaza Mexico vient de voir ses portes être fermées pour une durée indéterminée –  avec cette désormais traditionnelle corrida charra qui avait rassemblé une assistance remplissant aux trois quarts le vaisseau provençal.

Depuis Guadalix de la Sierra avait été débarqué un lot de toros formant un ensemble homogène, correctement présenté, harmonieusement armé (plus sérieux les 3 et 4) et offrant de nombreuses possibilités de succès. Les 1, 4 et 5 furent les plus investis sous le fer, les meilleurs pour le toreo étant les 1, 5 et à un degré moindre les 2 et 4, ce dernier sous exploité (à mon sens) par Antonio Ferrera.

Après un paseo à la mode aztèque, accompagné par l’orchestre Chicuelo II puis les Mariachis del Sol, Antonio Ferrera donna le pistoletazo de cette corrida de clôture en saluant par de bonnes véroniques l’arrivée d’un toro marqué du fer de Cortes. Deux piques, prises bravement (sans excès) depuis l’extrémité du ruedo avant que Leo Valadez ne se signale sur un bon quite par chicuelinas. Devant un bon toro, noble et bravito, Antonio Ferrera édita une partition sérieuse (brindée à Bernard Marsella très ému), moins théâtrale qu’à l’accoutumée, d’intensité croissante. Après avoir gagné le centre, le torero de Badajoz poursuivit par de bons échanges droitiers, le Cortes répondant avec brio aux sollicitations, répétant ses charges avec rythme et vibration. Passage moins fringuant à gauche avant retour droitier de bon ton. Espadazo d’effet quasi fulminant. Deux oreilles, généreuse la seconde et vuelta au toro.

Son second, ne sortait pas du même tonneau. Ferrera le confia au lancier de service pour deux piques à longue distance, durant lesquelles l’astado s’employa à la première avant de subir davantage le deuxième assaut. Faena atone, devant un toro mobile mais sans classe qui compliqua la partie à un Ferrera qui manqua de dominio et qui s’en alla prestement chercher les armes. Entière tombée précédant une flopée de descabellos.

Leo Valadez, représentant mexicain de cet ultime rendez-vous de la Feria, fut désarmé sur la réception cape en main par son premier adversaire. Une seule pique, assez mal exécutée et rectifiée avant que l’aztèque ne se distingue pallitroques en main. Début de faena par rodillazos, puis poursuite allurée sur les deux mains. Devant un toro noble, mais aux forces déclinantes le torero d’Aguascalientes justifia sa présence par plusieurs séquences de bon ton, notamment à gauche avant final par bernardinas et une estocade tombée. Deux oreilles, généreuse la seconde (encore) et applaudissements à l’arrastre pour le cornu.

Passer à côté des qualités de l’excellent quinto aurait relevé d’une faute professionnelle, que l’on n’imputera pas au diestro mexicain, fort à son aise et qui d’emblée mis les formes sur un beau salut capotero par véroniques cadencées. Une seule pique, prise en poussant sur une corne puis superbe quite par zapopinas avant un nouveau tercio de banderilles, spectaculaire et allègre, à charge de Leo Valadez. Trouvant très vite la bonne carburation face à cet opposant idéal pour le bon toreo, le torero hidrocalido proposa une faena très bien ficelée, imprimant un rythme quasi parfait aux charges vibrantes du Victoriano del Rio, très noble et répétant avec classe dans l’étoffe. De la gauche, Valadez imprima plusieurs séquences succulentes par naturelles, au son des Mariachis del Sol interprétant un festif « Viva Aguascalientes » qui calquait à merveille avec ce qui se passait en piste. Pendant que l’on s’affairait en coulisses dans l’optique d’une éventuelle grâce, Leo Valadez déclenchait les dernièrs rodillazos, parachevant là l’une des plus belles faenas de la feria. D’indulto il n’y eu point, malgré quelques suggestions indiscrètes, à fort juste titre et le matador mexicain logea avec sincérité une lame entière qui fit rapidement son œuvre. Deux oreilles unanimement réclamées et logiques, puis le rabo. Celui-ci assez lourdement suggéré par la cuadrilla du torero, qui eut gain de cause, en marchant quelque peu sur l’autorité du palco qui ajouta un mouchoir bleu (qui ne me dérange pas) synonyme de vuelta al ruedo posthume pour le très bon « Casero ».

Tomas Rufo qui était très attendu sur les bords de l’Etang de Berre avec un début de carrière prodigieux ne partagea pas la piste de danse avec les plus belles. Son premier, au sérieux port de tête poussa peu sous la morsure du fer puis arriva décomposé dans la muleta du torero, qui fit avec les moyens du bord. Faena de hauts et de bas, qui transmis peu, malgré l’envie du garçon devant un toro manquant de forces et de fond. Entière caidita puis salut au tiers.

L’arrivée de l’ultime se déroula dans la confusion la plus totale. Réprimé pour une boiterie de l’antérieur gauche, le Victoriano del Rio ne permit rien à la cape. C’est alors que chuta du balcon présidentiel un mouchoir vert synonyme de changement de toro. Les portes du toril s’ouvrirent, mais la cuadrilla du torero toledano se fit maitresse des lieux et envoya en piste le picador de service. Un joyeux bazar. Le président ravala son mouchoir vert et son autorité, pour désormais abonder vers un changement … de tiers. Si tout cela résulte visiblement d’une incompréhension entre le balcon présidentiel et les hommes en piste, tout ce barda fit un sacré désordre… On oubliera vite et Tomas Rufo aussi, la faena de l’ultime, un quadrupède querecioso « sin clase » lidié au fil des tablas et estoqué d’une lame efficace.

FICHE TECHNIQUE DE LA CORRIDA

Arènes du Palio, Istres. Feria 2022. Température agréable. 3/4 d’arène. Corrida Charra-Mexicaine. 6 toros de Victoriano del Rio et Toros de Cortes (1)

Présidence : Mr Cervantes

Poids des toros : 505, 510, 495, 490, 540, 555.

Cavalerie Bonijol. 8 rencontres

Vuelta al ruedo posthume accordée au toro “Emboltorio” n°169 de 515 kilos du fer de Toros de Cortes (1er) et au toro “Casero” n°45 de 540 kilos du fer de Victoriano del Rio (5eme).

Le matador de toros Tomas Rufo, qui remplaçait Emilio de Justo blessé, se présentait au Palio.

ANTONIO FERRERA : deux oreilles et silence après avis

LEO VALADEZ : deux oreilles et deux oreilles et la queue

TOMAS RUFO : saluts et silence

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