Moins d’une semaine après avoir été blessé par un toro de Margé à Nîmes, Clemente est revenu dans les ruedos. À peine le temps de panser les plaies que déjà le torero bordelais avait le regard tourné vers les bords de l’Etang de Berre comme si rien n’avait eu lieu. C’est pourtant avec ce supplément d’âme, propre à ceux qui reviennent de loin, qu’il a foulé le sable du Palio, cette arène d’Istres qui lui a si souvent souri. Et une fois encore, elle lui a bien rendu. Deux heures et demie plus tard, Clemente quittait les arènes porté en triomphe, quatre oreilles dans l’esportón. Le geste était intact. Mieux encore : il semblait plus affirmé, comme né d’une urgence intérieure. Son toreo, élégant, précis et profond, a trouvé dans la mobilité des fades Zalduendo de quoi s’exprimer.
Arène pleine, baignée d’un soleil implacable et sous un ciel de carte postale. Si le lot de Zalduendo, ni bon, ni vraiment mauvais, n’a pas soulevé l’enthousiasme – trop terne, trop léger de caste et parfois de forces – il offrit par moments assez de mobilité pour permettre aux trois maestros d’exprimer leur personnalité. Dans cette chaleur de plomb et sous la ferveur d’une arène prête à vibrer, chacun laissa son empreinte. Mais c’est celle de Clemente, qui restera dans la mémoire du Palio.
David Galván ouvrait la course face à un Zalduendo mobile mais de peu de caste, qu’il accueillit par une belle série de véroniques rythmées, saluées par la première ovation de la tarde. Après une unique pique, il construisit une faena à mi-hauteur, pour ménager un toro juste de forces. À droite, les muletazos gagnèrent en liant et en tenue. Le passage gaucher, moins heureux, fut rapidement abandonné au profit d’un retour droitier plus convaincant, conclu par des manoletinas bien enroulées. Une entière un peu longue des effets libéra une oreille – généreuse – après une pétition majoritaire.
Son second opposant, encore plus mesuré en tempérament, le força à composer à nouveau à mi-hauteur. La faena, ambidextre, comporta quelques séquences notables, surtout à gauche, où plusieurs naturelles bien dessinées émergèrent d’un ensemble aux contours irrégulier. Bernardinas finales, suivies de deux pinchazos avant une entière, et une simple ovation pour clore son après-midi.
Juan Ortega faisait ses débuts au Palio. Il les inaugura avec la grâce d’une capote de velours : les véroniques furent suaves, senties, inspirées. Le toro, ménagé au cheval, permit ensuite au maestro sévillan d’égrener quelques muletazos d’une grande finesse, notamment sur la main gauche, avec des naturelles d’une lenteur délicate. L’ensemble fut juste, posé, parfois profond, malgré le peu de fond de l’animal. Une épée entière et bien portée lui valut une oreille méritée.
Le second adversaire, plus brut, sans les codes esthétiques de l’univers ortegistas provoqua la rupture. Mal et lourdement piqué, le Zalduendo au dossard numéro 5 ne fut jamais pris en estime par le torero de Triana qui abrégea rapidement…
Clemente ouvrit sa partition avec ce courage tranquille qui naît de ceux qui n’ont presque plus rien à prouver. Son premier adversaire, limité de fond et sans éclat, fut dominé par une muleta précise, stylée, classique et empreinte de toreria. Les séries, ajustées, furent données sur les deux rives avec ce sens du geste propre au torero français. Faena de menos a mas receuillant un écho favorable du conclave. A l’épée, Clemente y voir clair comme de l’eau de roche. Entière, fulminante. Deux oreilles.
Mais c’est face au sixième – de loin le plus complet du lot – que Clemente put véritablement donner sa pleine mesure. Le Zalduendo, plus noble, plus profond, permit une faena d’une autre envergure. Sur la droite surtout, plusieurs séries vibrantes, pleines de torería et d’expression, firent lever les tendidos. Sur la main gauche aussi, le torero montra de l’engagement, de la technique mais surtout beaucoup de pureté. L’épée, encore une fois en comme un coup de canon, libéra deux oreilles claires et nettes, les plus justifiées de la tarde.
FICHE TECHNIQUE DE LA CORRIDA
Arènes du Palio. Plein. Grand soleil et chaleur caniculaire. 6 toros de Zalduendo.
Présidence : M. Abid assisté de Mr. Floret et Mr. Raoux
Poids des toros : 485, 491, 523, 511, 507, 514.
Cavalerie Bonijol. 6 rencontres.
Juan Ortega se présentait au Palio.
Corrida animée façon flamenca avec Paco Peña et Remedios Reyes au chant accompagnés du guitariste Julio Romero et des palmeros Ana Reyes et Tute Nuñez
DAVID GALVAN (vert empire et azabache) : oreille après avis et ovation après avis
JUAN ORTEGA (celeste et or) : oreille et silence
CLEMENTE (carmin et azabache) : deux oreilles et deux oreilles
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