En pleine effervescence des Fêtes de la Madeleine, les Arènes de Châteaurenard ont accueilli leur traditionnelle corrida, avec cette année un événement inédit au pied du château : la première alternative jamais célébrée dans ces arènes. Un moment historique, donc, pour le biterrois Clément Jaume, devenu à cette occasion le 76e torero français à être sacré matador de toros à 18h32 devant le toro « Molasombre » de Pagès-Mailhan.

Cette corrida fut également marquée par la grâce du quatrième toro « Adulador » de Pages-Mailhan, dont la décision suscita des réactions partagées dans les gradins. Une grâce discutée à l’image de nombreuses autres accordées ces dernières années, et qui illustre surtout les errements et les carences d’un palco présidentiel clairement dépassé par les événements. Déjà, l’oreille accordée au premier toro — tombée de nulle part — avait semé le doute où comment se tirer une balle dans le pied… Une générosité initiale qui a placé le président dans une situation délicate pour la suite. Car lorsqu’on survalorise une faena modeste, on s’expose à devoir surenchérir face à une prestation réellement aboutie. Et il y en a eu.

Le contexte initial prévoyait un défi ganadero entre les élevages Pages-Mailhan et San Sebastián. Mais un toro de ce dernier fer s’étant invalidé au débarquement, ce sont finalement quatre Pages-Mailhan qui ont été combattus. Tous furent bien présentés, les trois derniers sortant particulièrement du lot, notamment le cinquième, d’une impressionnante prestance. À la pique, les toros n’ont jamais rechigné. Le quatrième, et dans une moindre mesure le deuxième et le cinquième, s’y montrèrent investis. Dans les tiers suivants, les toros ont fait preuve d’une mobilité variable, avec des degrés divers de caste, de noblesse et de bravoure.

Le quatrième, incontestablement, fut le plus complet : brave, mobile, noble et doté d’une remarquable transmission. Le deuxième, le troisième et le premier se distinguèrent par une bonne mobilité, le premier et le troisième se montrant particulièrement sérieux. Le cinquième, brave et sans mauvaises intentions, pécha par un manque de forces et de fond. Quant à l’ultime, noble, il fut lui aussi handicapé par une faiblesse manifeste dans le dernier tiers.

Clément Jaume salua l’arrivée du toro de la cérémonie par quelques bonnes véroniques avant une unique rencontre, correctement administrée par Luc Tosello, visant à préserver les forces du bicho. Bon tercio de banderilles à la charge de Mehdi Savalli et du Chino avant l’échange des trastos marquant l’intronisation du biterrois dans son nouveau grade. Après un brindis à sa famille, le torero de Béziers proposa une faena défensive, avec quelques muletazos notables mais isolés à droite. Le néo-matador a subit les assauts d’un Pages-Mailhan mobile, doté d’un fond de caste qu’il fallait canaliser avec autorité. Estocade d’effet rapide, déclenchant une pétition émanant « de los suyos » et suivie par un palco faisant contre mauvaise fortune bon cœur. Oreille plus que généreuse donc…

L’ultime, superbe de présentation, harmonieux et bien fait, fut accueilli par un capoteo de bonne facture avant de recevoir deux piques, la seconde de trop et préjudiciable pour la suite. Brindis à Christian Rossi d’une faena sans écho, face à un toro noble mais limité physiquement. Entière au second essai. Pétition légère. Vuelta.

Face à « Jurista » de Pages-Mailhan, Joselito Adame débuta par quelques véroniques bien dosées avant que le jabonero ne fonce à deux reprises avec tempérament vers le groupe équestre. Bon quite de Solal par chicuelinas. Après un brindis aux organisateurs locaux, le Mexicain entama par de bons doblones, puis lia plusieurs tandas droitières élégantes, bien servies par la mobilité et la bravoure du toro. A gauche, Adame y voit moins clair et brode. Hélas, ce dernier alla a menos et chercha refuge aux tablas. Grâce à son oficio, le diestro d’Aguascalientes le conserva dans sa muleta pour un final compact dans un terrain réduit, avant une entière à recibir. Deux oreilles. La deuxième discutable.

Belle réception par capoteo en tablier face au quatrième, plus astifino, qui prit une pique sans style du varilarguero mais où le bicho se montra bravito. Quite par zapopinas ovationné, avant un tercio de banderilles calamiteux se soldant par un accident de lidia abîmant la corne gauche. Cela n’altéra pas les qualités d’un toro qui se révéla pleinement dans la muleta du mexicain. Celui-ci profita de la noblesse infinie de son adversaire, devenu un véritable partenaire. Faena allant à más, Adame se montrant davantage à son aise à droite bien que manquant de temple parfois mais d’un ensemble maitrisé. « Adulador », mal réglé à gauche, combina mobilité et transmission, et charge plein piston. Joselito Adame l’embarque sans vraiment dominer sur cette rive mais dans un ensemble recueillant l’aval des travées. L’aztèque a compris qu’il avait en face de lui un excellent partenaire de bal. Il allonge, avec autant de malice que de métier. On comprend où il veut en venir. Ses banderilleros l’y encourage. Le public, une partie en tout cas, s’y met aussi. Adame allonge encore, à droite où il fut le mieux. Mouchoir orange. Décision contestable d’un palco peu crédible, mais qui n’enlève rien, absolument rien aux immenses qualités de ce grand toro. Deux oreilles et la queue symboliques. Vuelta non partagée avec les ganaderos…

Solal hérita d’un premier Pages-Mailhan finement fait, qui s’engagea à deux reprises avec bravoure sous le fer de Sofianito. Bon tercio de banderilles du Nîmois, ovationné pour une ultime paire al quiebro. Muleta en main, Solal proposa une faena patiente et templée, débutée par trois excellentes tandas à droite. La corne droite, la meilleure du toro, fut mieux, plus bien exploitée que celle de la rive opposée en des échanges de moindre impact. Faena allant de más a menos, le bicho baissant de ton et lorgnant les abords. Final par bernardinas ajustées réhaussant la note, puis demi-lame tombée et hémorragique. Deux oreilles.

Son second, de San Sebastián, fut le plus sérieux de l’envoi. Solal le salua d’une larga cambiada de rodillas, enchaîna véroniques, chicuelinas et la demie. Bravito sous le fer, le fauve du Pic Saint-Loup se montra ensuite exigeant au troisième tiers. Après un tercio de banderilles spectaculaire, dont une paire très exposée, le Nîmois fut ovationné pour son engagement. Physiquement marqué, le toro fit néanmoins preuve d’une bravoure froide et de présence. Solal construisit une faena essentiellement droitière, sérieuse, sans scories et volontaire. Plusieurs bonnes séries furent conclues par une entière respectant les canons. Oreille avec pétition de la seconde.

FICHE TECHNIQUE DE LA CORRIDA

Arènes de Chateaurenard. Fêtes de la Madeleine. 3/5eme d’arène. Ciel dégagé, chaleur et vent tourbillonnant à partir du 5eme. Toros de Pagès-Mailhan (1,2,3 et 4) et San Sebastian.

Président : Mr. Michel Vion

Poids des toros : 490, 510, 490, 500, 500, 530

Cavalerie Bonijol. 10 piques.

Les trois toreros se présentaient aux Arènes de Chateaurenard.

Clemente Jaume a pris l’alternative devant le toro « Molasombre » n°141, né en mai 2021, colorado de 490 kgs de Pagès-Mailhan.

Indulto du 4eme toro « Adulador » n°12, né en mars 2020, colorado de 500 kg de Pagès-Mailhan.

JOSELITO ADAME (Olive verte de Mouries et or) : deux oreilles et deux oreilles et la queue symboliques

SOLAL (France 98 et or) : deux oreilles et oreille

CLEMENTE JAUME (blanc et or) : oreille et vuelta

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