A moins d’une semaine de la Feria des Prémices du Riz et d’une importante corrida concours dans les arènes d’Arles, le matador de toros Adrien Salenc a eu la sympathie de m’accorder un entretien dans lequel le nîmois évoque bien entendu sa grande motivation pour ce rendez-vous arlésien, mais aussi le confinement, sa première temporada comme matador de toros ainsi que sa vision quant au futur de la tauromachie…

Sol y Sombra : Adrien, tout d’abord comment vas-tu? Comment s’est passé pour toi la période du confinement?

Adrien Salenc: Je vais très bien, je suis en pleine et forme, très motivé et plein d’espèrance à l’idée de retrouver les arènes d’Arles samedi. La période de confinement a été bien entendu très délicate à aborder, pour moi comme tout le monde, et il a fallu s’adapter. Je crois que j’ai eu le bon réflexe, à l’annonce du confinement en France comme en Espagne de prendre immédiatement mon billet d’avion. Le dernier d’ailleurs qui reliait Madrid à Marseille. Je suis donc venu passer cette période confiné à Nîmes, auprès de ma famille et finalement je dois dire que cela n’a pas représenté une période si désagréable que çà, car j’ai pu profiter pleinement de mes proches, ce que qui est assez inédit car depuis que j’ai quitté le cocon familial à l’âge de treize ans, il y a déjà dix ans je ne rentre en France qu’à l’occasion des fêtes de fin d’année.

Je me suis occupé l’esprit avec beaucoup de vidéos de toros, de corridas rediffusées, et pas mal de lecture. J’ai quand même pu profiter de l’heure de liberté quotidienne autorisée pour m’entrainer et faire de l’exercice en extérieur, du footing par exemple, ce qui n’aurait pas été possible en Espagne où cette autorisation n’existait pas. Et puis pas mal de toreo de salon, pour ne pas dire tous les jours, sur la terrasse. J’ai eu également l’occasion de discuter régulièrement au téléphone avec mon apoderado Olivier Baratchart, ce qui permet de maintenir l’illusion.

SyS: Ta temporada 2019, la première en tant que matador a été plutôt convaincante du point de vue des résultats. Comment l’as-tu vécue et quels ont été les bons et mauvais moments de ta saison?

AS: J’ai très bien vécu cette première temporada en tant que matador, qui constituait pour moi une saison d’apprentissage au delà du cap franchi. Une année très importante car j’étais très attendu par l’aficion à la suite de mon passage en novilladas piquées, notamment dans les arènes où je m’étais distingué par le passé.

J’ai connu deux triomphes importants dans le Sud-Ouest à Dax où j’ai coupé une oreille à un toro d’Ana Romero et à Bayonne où je suis sorti en triomphe, et où j’aurais dû d’ailleurs retourner cette année sans cette crise sanitaire. Il y a eu énormément de bons passages durant cette première temporada comme matador mais aussi quelques regrets, notamment à cause de l’épée où j’ai perdu pas mal de trophées et notamment avant l’alternative, lors des quatre novilladas que j’ai toréé. J’aurais pu couper une grosse oreille à Madrid et deux à Saragosse sans ses échecs là.

Bayonne, 31.08.2019, Adrien coupe deux oreilles au toro Pirujo de Los Maños

Mais le vrai gros regret que j’ai et que j’aurais certainement toute ma vie, c’est celui concernant le jour de mon alternative. Je me suis mis beaucoup trop de pression pour ce jour-là, qui est certainement l’un des plus beaux jours dans la vie d’un torero. L’alternative c’est une très grande responsabilité pour nous, et j’ai essayé de dissimuler cette anxiété tant bien que mal. Le cartel était composé de deux des plus grandes figuras du moment et le no hay billetes annoncé déjà deux mois avant la corrida. Cette pression m’a pas mal freiné à certains moments de l’après-midi, et j’ai eu du mal à garder la tête froide, notamment au moment d’estoquer mon second toro, sans quoi je serais certainement sorti a hombros.

Sans oublier évidemment le gros accident à Valencia de mon banderillero et ami Rafael Cañada qui nous a mis un gros coup au moral à tous, que ce soit moi, Olivier, Angel Gomez Escorial et toute la cuadrilla qui sont avec moi depuis mes débuts en novillada sans picadors. J’ai eu beaucoup de mal à me remettre de cela, et je continue quotidiennement à ressentir son absence car Rafael m’a accompagné de partout, depuis petit, que ce soit en piste où au campo. Au fil des années ce sont des liens d’amitié énormes qui se tissent entre nous, donc c’est un cap très difficile à passer. Aujourd’hui je sais qu’il va de mieux en mieux, qu’il récupère et qu’il va pouvoir désormais reprendre une vie à peu près normale suite à ce très gros accident. Mais je crois que parallèlement cela a été une bonne temporada et je pense avoir donné l’envie aux aficionados de me revoir.

SyS: Avant que cette crise sanitaire sans précédents, comment devait se dérouler cette temporada 2020?

AS: Pour 2020, j’avais une temporada bien cadrée, notamment grâce au travail formidable de mon apoderado. Au début, je n’arrivais pas vraiment à croire que la temporada pourrait tomber à l’eau et je disais par exemple à Olivier qu’il était impossible que les San Fermines de Pamplona soient annulées. Mais la pandémie comme tout le monde le sait hélas a pris une ampleur planétaire et il a fallu se rendre à l’évidence. Pouvoir organiser des corridas en cette fin de temporada tient vraiment du miracle.

Je devais me rendre à Vic-Fezensac pour Pentecôte, qui constituait un réel challenge, après seulement cinq corridas, devant des toros très forts et une aficion exigeante. C’était une manière pour moi de démontrer mon envie et ma projection, que je souhaite importante. En outre j’avais signé 7 ou 8 corridas plus quelques-unes en Espagne qui m’auraient permis une temporada d’une grosse douzaine de courses et j’attendais aussi de pouvoir éventuellement confirmer mon alternative à Nîmes. En revanche, avec mon entourage nous n’envisagions pas Madrid en 2020, car il faut y aller avec un bagage étoffé et ne pas griller une cartouche par précipitation. En somme, 2020 devait être une bonne temporada pour moi où j’allais pouvoir être inclus dans quelques bons cartels. J’espère pour 2021, si la crise sanitaire permet une temporada « normale », que les empresas honoreront leurs engagements, et qu’ils reconduiront les cartels initialement prévus. Mais pour l’heure nous nous projetons sur 2021 avec prudence car on ne sait pas où en sera l’évolution de cette pandémie et quelle sera la situation. Chaque jour est différent et il est difficile de prédire l’avenir.

SyS: Cette corrida concours de samedi prochain sera la seule et unique de ta saison, est-ce que cela ajoute davantage de pression au moment de te présenter dans les arènes d’Arles?

AS: Le fait que cette corrida d’Arles soit la seule de ma temporada européenne, génère évidemment une pression supplémentaire, même si je me suis bien préparé tout l’hiver pour toréer ce type de course dans des arènes de cette importance. Je me suis notamment rendu en Colombie et au Pérou où j’ai pu toréer trois corridas. Mais au-delà de la pression que peut engendrer cette corrida, cela représente surtout une très très grande motivation que de me voir annoncé dans ce cartel, au côté de deux immenses figuras et de la chance que me donne le maestro Juan Bautista. Je vais me donner à 300% pour saisir cette opportunité et donner le meilleur de moi-même. Je m’y prépare depuis longtemps, je ne pense qu’à cette course. J’ai rêvé de ce cartel tellement de fois que j’arrive en Arles déterminé et bien préparé.

SyS: Justement parlons de ta préparation. Comment celle-ci s’est déroulée?

AS: Même si cette année il n’y a pas eu de corridas, j’ai eu la chance de beaucoup toréer au campo, notamment grâce aux fiestas camperas organisées par les éleveurs ou les clubs taurins. Depuis la fin du confinement j’ai pu m’entrainer devant du bétail, que ce soit en tentadero ou face à des toros en privé, en France et Espagne. Finalement depuis la levée des restrictions j’ai repris un rythme de préparation quasiment normal. Depuis que cette corrida concours d’Arles est annoncée j’ai mis un coup de rein supplémentaire, en augmentant l’intensité et je me sens prêt à affronter cette échéance importante.

SyS: Ressens-tu une attente particulière de la part des aficionados à l’aube de cette Feria du Riz?

AS: Depuis l’annonce des cartels de cette Feria du Riz, je sens évidemment une grosse attente de la part des aficionados envers moi. Comme beaucoup de mes compagnons qui ont pris l’alternative ces dernières années, je suis un torero nouveau et les gens attendent de voir de quoi je suis capable en corrida face à des toros de quatre ou cinq ans, avec une pression elle aussi différente. Mais le public des arènes d’Arles m’a toujours témoigné beaucoup d’affection et de soutien donc j’espère que nous allons vivre une grande après-midi de tauromachie.

SyS: Comment vois-tu l’avenir de la tauromachie à court terme pour de jeunes toreros comme toi?

Nous, les jeunes toreros, nouveaux où émergents sommes l’avenir de la tauromachie. En Espagne je n’ai pas l’impression que cette crise ait changée beaucoup de choses quant à la composition des cartels. Je pense qu’en France à l’avenir, l’éventail de possibilités sera davantage élargi, car il y a plus de motivation de la part des organisateurs, la preuve avec ma présence en Arles où Juan Bautista me témoigne beaucoup de confiance. Le futur de la tauromachie passera inévitablement par là. Il faut appuyer ces toreros nouveaux et nous donner notre chance.

Un grand merci à Adrien pour le temps accordé à cet entretien. Mucha suerte!

Réservations ==> https://www.arenes-arles.com/

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ADRIEN SALENC EN BREF

Né le 10 janvier 1997 à Nîmes

Débuts en novillada sans picadors : le 7 aout 2014 à Tielmes, erales de Baltasar Iban aux côtés de Daniel Menes et Jaime Rodriguez.

Débuts en novillada piquées :  le 5 juin 2016 à Captieux avec des novillos de El Tajo y La Reina au côté de Joaquin Galdos et Carlos Ochoa

Présentation à Madrid :   23 avril 2017, novillos de Los Chospes aux côtés de Mario Palacios et Miguel Angel Pacheco

Alternative : le 14 juin 2019 à Istres, toro de « Zafarrancho » N°110 de 498kgs de Zalduendo, parrain El Juli, témoin Andres Roca Rey.

Escalafon 2019 : 59eme, 5 corridas, 4 oreilles

Apoderado : Olivier Baratchart

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