Quelles émotions ! Et quel final ! La feria d’Istres 2024 s’est conclue ce dimanche soir « a lo grande » avec une corrida qui fera date dans l’histoire déjà riche de succès des Arènes du Palio. Une juste récompense en premier lieu pour Bernard Marsella et son équipe pour avoir su une fois de plus se renouveler, se réinventer pour proposer une programmation riche, variée et digne d’intêret. « Echar una mano », la Feria de la main tendue ne pouvait pas se conclure aussi significativement qu’elle le fut par la sortie en triomphe de David Galvan et Clemente, toreros qualifiés émergents aux côtés de l’incommensurable Enrique Ponce. Le maitre du temps, le maitre du jeu, qui a offert une nouvelle et dernière leçon de toreo sur les bords de l’Etang de Berre.

Une corrida complète, passionnante qui aura connu un intérêt des plus soutenus de bout en bout, aux émotions multiples, multipliées et variées, mais toujours vécues avec grande ferveur. Une corrida dont on redemande, qu’importe, pour une fois le nombre de trophées octroyés, discuté, discutable comme toujours, au contraire du contenu qui a mis tout le monde d’accord. Ce soir à Istres il fallait être un poil « esquinté » de l’apéro d’entre course ou un soupçon pisse-vinaigre sur les bords pour n’avoir pas pris de plaisir. Il y en a eu, les pauvres. Nous on s’est bardé !

Enrique Ponce, dans une tournée d’adieu qui va faire couler beaucoup de larmes, était venu dire adieu au public phocéen pour sa 7eme et dernière corrida dans le vaisseau du Palio qui avait enregistré le second « No hay billetes » de le Feria. Après une ovation des plus chaleureuses à l’issue du paseo, le diestro valencian s’est vu remettre la médaille de la ville par Mr François Bernardini maire d’Istres. Un geste de classe et une juste reconnaissance à la trajectoire monumentale du maestro des maestros, détail d’importance que n’aura pas eu par exemple la Ville de Nîmes envers l’un des maestros les plus importants de son histoire. Parenthèse refermée.

Pour l’occasion, le maestro de Chiva et ses compagnons de cartel se mesuraient aux toros de Juan Pedro Domecq, dont le propriétaire et le mayoral ont partagés la sortie en triomphe de la terna pour avoir fourni un lot de toros très important, avec plusieurs toros de note, les 1,2,5,6 et surtout l’excellentissime quatrième « Broncista » pour lequel le mouchoir orange a été sorti. Monopiqués, les toros à la devise rouge et blanche ont fait le job sous le fer, les 1 et 5 envoyant la cavalerie au sol.

Enrique Ponce débuta pied au plancher avec un bon salut capotero par véroniques templées. A la muleta, le valencian offrit un premier véritable récital, accompagnant au ralenti la bonne charge du Juan Pedro, accompagné au son de « Mission ». Amples muletazos droitiers, donnés avec beaucoup de douceur et de profondeur. Les naturelles furent d’une incroyable lenteur, telles des caresses, jusqu’aux poncinas finales devant un public aux yeux de chimère pour un Ponce pleinement investi. Hélas un double pinchazo avant lame entière en arrière vint faire s’envoler une sortie en triomphe déjà tout acquise.

Mais c’est face à l’excellent quatrième que, à 53 ans, Enrique Ponce allait offrir peut-être la plus grande œuvre de sa trajectoire istréenne. D’une précision d’horloger dans le maniement de la percale puis sur un bon quite par chicuelinas, Ponce signa ensuite une véritable faena de gala, arrachant des olés roques et puissants. Au son du Concierto de Aranjuez, Enrique Ponce a sublimé la classe et la noblesse de « Broncista », accompagnant par un poignet de velours, avec une douceur et un temple inouï, le manque de chispa du bicho, comme si l’horloge du temps s’était arrêtée. Le temps est passé, mais les pendules étaient, elles, bel et bien mises à l’heure. Faena aussi délicate que soutenue, Ponce toréant non pas dans un fauteuil mais véritablement sur le trône du toreo « hasta al final ». La grâce, il faut en convenir vint récompenser de concert, autant l’excellente condition de « Broncista » que l’œuvre majestueuse du maestro valencian, mais pourquoi bouder son plaisir ? Ponce raccompagna Broncista jusqu’à la porte des chiqueros avant de promener sous une extrême ovation les trophées maximums. Double vuelta chaleureusement fêtée, sous des applaudissements à tout rompre et quelques larmes, de bonheur, chaudement versées. Merci maestro Ponce !

David Galvan était, en quelque sorte, la découverte du jour. Malgré ses douze années d’alternative, le matador de San Fernando demeure assez inédit en France, et notamment dans le sud-est. Nul doute que le public local devrait avoir envie de le revoir dans le coin après avoir signé à Istres une après-midi particulièrement aboutie. D’un capoteo de bon goût, par véroniques, chicuelinas et faroles, Galvan salua l’arriva du deuxième toro de la course. Piqué à l’unité, le Juan Pedro se laissa embarquer avec une bonne dose de classe dans une muleta peu avare de bonne manière. Brindis à Enrique Ponce d’une faena douce et calibrée, soyeusement débutée par le haut puis poursuivie avec beaucoup de profondeur et de décision sur les deux ailes. David Galvan a pu exprimer son bon concept muletero et un toreo de sentiments jusqu’au final par poncinas avant qu’un coup d’épée canon ne vienne libérer deux pavillons.

Le diestro andalou a poursuivi sa moisson devant le bon quinto, l’animal le plus brave de l’envoi, doté d’une bonne corne droite et d’une charge vibrante. Galvan excella encore dans le maniement de l’étoffe avec une gestuelle du meilleur gout et un temple affirmé notamment dans l’exécution des naturelles. Final dans un terrain plus réduit puis par manoletinas avant conclusion par entière tombée. Oreille.

Clemente a lui aussi une nouvelle fois marqué des points au Palio et signé son troisième triomphe consécutif en ces lieux. L’aquitain salua par un joli maniement de la cape l’arrivée du troisième, piquée une fois puis devant lequel Clemente aura fourni un bel effort face à un animal manquant quelque peu de son. Meilleur sur la corne gauche le trasteo du bordelais culmina dans sa deuxième partie jusqu’au final dans un pouce de terrain par luquecinas ajustées. Entière caidita et deux oreilles immédiates. La deuxième un poil généreuse.

Clemente mit ensuite le feu lors d’une réception agenouillée. Trois largas afaroladas de rodillas, véroniques pieds joints puis remate spectaculaire les deux genoux dans le sable. Une pique prise bravement puis salut de Thomas Ubeda pour deux bonnes paires de banderilles. Face à un toro spectaculaire dans ses premières arrancadas Clemente instrumenta des séries droitières qui transmirent de l’émotion avant que le Juan Pedro ne baisse quelque peu de ton. Le bordelais démontra ensuite toute sa personnalité face à la bonne charge du cornu sur plusieurs mouvements de grand son et de plus de profondeur à droite. Lame entière au premier voyage. Oreille.

FICHE TECHNIQUE DE LA CORRIDA

Arènes du Palio, Istres.No hay billetes. Grand soleil. 6 toros de Juan Pedro Domecq.

Présidence : Mr Cervantes assisté de MM. Raoux et Degioanni.

Poids des toros : 490, 528 , 488, 485, 521, 504.

Cavalerie Bonijol. 6 rencontres.

Indulto du 4eme « Broncista » n°18 né en mars 2020, colorado de 485 kg.

Salut du banderillero Thomas Ubeda au 6eme.

David Galvan et Clemente ont brindé leur premier combat à Enrique Ponce.

Enrique Ponce a brindé le 4eme toro à un ami.

ENRIQUE PONCE(Maillot du CF Valencia) : saluts après avis et deux oreilles et la queue symboliques

DAVID GALVAN(évêque et or) : deux oreilles et oreille après avis

CLEMENTE (Equipe de France 2024 et or) : deux oreilles et oreille

Share This