Et si le salut de Paco Ureña ne passait que par lui-même ? C’est très certainement ce qu’a dû se dire le torero de Lorca à l’heure de se déclarer auprès de l’empresa madrilène comme candidat à un seul contre six lors de la prochain San Isidro.

Un défi qui semble, plus que de taille pour un torero qui au regard des premières annonces de cartels, pourrait paraître en perte de vitesse. Et, invraisemblablement en manque de crédit. Car oublié à Olivenza, des Fallas de Valencia, de la Magdalena de Castellon et surtout des Ferias d’Avril et San Miguel de Séville.

Pire encore, selon les premières affiches madrilènes mises en avant par Plaza 1 en prévision du grand cycle « capitalino », le torero murciano semble tout bonnement ne pas figurer dans les plans des chefs d’orchestre de Las Ventas. Quatre fois Talavante qui n’a plus foulé le sable de la Monumental depuis 2018, trois fois Morante qui n’a pourtant jamais ouvert la Puerta Grande en 25 ans de carrière, autant pour le madrilène El Juli, l’alicantin Jose Maria Manzanares, Emilio de Justo de façon nettement plus légitime, Diego Urdiales ou Gines Marin. Un torero comme Juan Ortega par exemple, sans ôter tout mérite au sevillan, semble posséder davantage de crédit qu’un Paco Ureña triomphateur de la dernière San Isidro de l’aire « normale » avec une sortie par la Grande Porte et cinq oreilles coupées durant toute la temporada madrilène, triomphateur également à Bilbao, excusez du peu, avec quatre oreilles coupées aux toros de Vegahermosa.

Une situation des plus délicates que celle que traverse un matador de toros déjà lourdement châtié par les toros. La perte d’un œil en septembre 2018 à Albacete, et une terrible cogida trois ans plus tard le 18 octobre dernier à Abaran, laissant le lorquiño les vertèbres en lambeaux.

Après avoir enchainé les apoderamientos avec quelques maisons de prestige (Casa Lozano, Simon Casas, Chopera…), le maestro de Lorca a confié les reines au matador de toros retiré Juan Diego. Opter pour l’indépendance va peut-être s’avérer fatal pour Paco Ureña, en tout cas augmenter les difficultés qui sont aujourd’hui à entrer dans des cartels de choix, lesquels le murciano eu un temps intégré et auxquels il aurait pu prétendre au sortir d’une grande temporada 2019. L’arrivée aussi brutale que soudaine de la pandémie n’arrangeant rien.

Un sort que semble également subir Miguel Angel Perera. Le torero de Badajoz, sans être exclu des premières ferias a dû revoir ses exigences, notamment à Castellon et Séville où l’extremeño se mesurera aux toros de Victorino Martin, ce qui ne faisait pas parti, il y a quelques mois encore de la feuille de route du maestro désormais apodéré par David Benegas. Absent des premières annonces de cartels pour la San Isidro et jugeant que les propositions émanant de Plaza 1 ne sont pas en adéquation avec le statut d’un torero sortit six fois par la Grande Porte de Las Ventas, Miguel Angel Perera a tout simplement décidé de dire non à Madrid.

Une option inenvisageable pour un Paco Ureña visiblement au pied du mur, en témoigne cette demande inédite de solo. Comme une bouteille à la mer, le murciano semble se raccrocher à cette option afin de se faire valoir. De frapper un grand coup de poing sur la table et renverser la vapeur dans une arène qui lui a toujours signifié son respect, et inversement.

Plusieurs questions peuvent se poser en vue de cette possible encerrona :

Paco Ureña a-t-il aujourd’hui la capacité physique et morale d’affronter seul six toros dans une arène de cette importance ?

Paco Ureña, d’un point de vue purement tauromachique, a-t-il le bagage idoine, la variété de répertoire nécessaire pour surmonter un tel défi ?

Quelle serait la conséquence, pour un torero dans sa situation en cas d’échec ? A cette question qui restera pour l’heure sans réponse, comment ne pas évoquer la jurisprudence Fandiño pourtant en pleine possession de ses moyens physiques et moraux avant son encerrona du 29 mars 2015…

Paco Ureña, le torero oublié de ce nouveau monde qui s’ouvre à l’humanité tout entière, à la tauromachie. Un traitement, à mon sens totalement illégitime à l’égard d’un homme qui depuis toujours laisse ses tripes sur le sable des arènes, avec sincérité, engagement, vérité, parfois, souvent en payant un lourd tribu.

Que justice lui soit rendu, pour le torero, pour l’homme, pour ce que Madrid représente. Nul ne sait encore si ce projet de solo aboutira mais n’ayez crainte, même seul face à six fauves armés jusqu’aux dents, à bout de souffle ou de forces le garçon donnera tout. Sa sueur, ses larmes, son sang. Car il est un putain de torero !

Photos: Arjona

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