Journée de gloire mémorable pour la tauromachie biterroise en cette veille de jour férié avec une corrida, que beaucoup s’accordent sur le Plateau de Valras a qualifier d’historique à bien des égards. Aujourd’hui Carlos Olsina et les toros de Robert et Olivier Margé ont porté haut, très haut l’étendard de la ville. Peut-être désormais « fériérisera-t-on » le 14 aout que l’on appellera alors la Saint-Margé où au choix, la Saint-Carlos, après tout, tout est possible « Aqui es Béziers » !

Trêve de plaisanterie, il faut dire que les éleveurs de Fleury d’Aude avaient emmené ce jour dans les arènes de Béziers un sacré lot de toros, fort bien présenté, avec de la charpente et des armes développées (un peu moins le second), pour une corrida entretenue et d’un intérêt constant, de bout en bout. N’en déplaise aux indécrottables « pisse-vinaigre », il y a en France de véritables éleveurs de toros ! Tous ont fait le boulot, avec plus ou moins de panache face au groupe équestre de la maison Bonijol qui a résisté aux lourds impacts occasionnés par les pupilles des Monteilles, les 2,3,5 et 6 s’y employant avec le plus de bravoure, supérieurs les 3 et 6. Le second, envoya au tapis Gabin Réhabi à la deuxième rencontre, prenant en étau le lancier arlésien qui s’en tire avec une calzona en lambeaux. Gabin Réhabi ovationné à sa sortie puis pris en charge à l’infirmerie des arènes et orienté vers un hôpital local pour des examens plus approfondis. Le quinto, impressionnant sardo fut lourdement et très mal châtié en quatre rations. Dans le dernier tiers hormis l’infumable premier, tous développèrent pêle-mêle, mobilité, noblesse, bravoure, caste, fixité et sérieux, provoquant des faenas au profil enlevé.

De cet envoi se détache le lot dévolu à Carlos Olsina. Le matador local a véritablement décroché la timbale, pour sa première corrida de la saison en héritant de deux grands toros, dont il fallut être à la hauteur. Et je dois dire que le diestro local m’a plus qu’agréablement surpris, puisque non content d’avoir su parfaitement analyser les qualités de ses opposants, Carlos Olsina a aussi formidablement bien toréé, certes débordé par moments par son envie de croquer à pleines dents ce véritable don du ciel, mais empreint de naturel et de panache pour deux grandes faenas. Son premier « Revilla » salué à la véronique cadencée rentra deux fois vivement dans le peto, notamment à la seconde. Après une entame par rodillazos, le biterrois capta très vite l’immense potentiel du Margé, chargeant de loin avec l’allégresse des grands braves, de la vibration dans sa manière d’humilier dans le leurre, avec bonté, profondeur et puissance, mais surtout d’une classe infinie. Un toro complet face à un torero galvanisé qui comprit très vite la prochaine tournure des évènements. Après 10 minutes d’intenses émotions, des travées vrombissantes, on vit venir l’échéance joyeuse pour le brave « Revilla » et après 13 minutes, dont plusieurs de résistance, du balcon présidentiel tomba le mouchoir orange. Inévitable et cette fois, mérité.

Deux indultos en deux jours. Assiste-t-on à une déchéance de critères ? Oui et non ! Oui lorsque l’on pardonne la vie, la veille, d’un animal à la noblesse abyssale, peu pour ne pas dire pas piqué. Et non, lorsque 24h plus tard vous sors un toro de cette trempe, particulièrement complet, car il aurait alors été question d’un significatif manque de sensibilité, et donc de critères. Revilla méritait de regagner les Monteilles, Carlos Olsina de promener les yeux embués de larmes deux pavillons symboliques et Robert et Olivier Margé de fêter la consécration de 30 années de labeur.

Carlos Olsina qui aurait pu parachever cette tarde de rêve devant l’ultime « Pays d’Oc » un toro d’un calibre similaire à son premier. Un toro de beaucoup de présence dans tous les tiers, brave au cheval puis, lui aussi, d’une grande classe dans la muleta d’un Carlos Olsina qui s’appliqua à dessiner plusieurs naturelles de grand son, dans un cratère en ébullition. Faena intense et bien menée, au son inédit du « Chant des Partisans » rendant l’œuvre tout-à-fait solennelle. Hélas, un le torero local bafouilla la suerte suprême, logeant une entière en place après double pinchazo. Vuelta al ruedo pour un « Pays d’Oc » cuvée excellence.

Adrien Salenc avait ouvert la séance devant un animal très haut et armé, difficile a capter à la cape, assez mal piqué en deux assauts. Un toro difficile et sournois, cherchant systématiquement les chevilles du nîmois qui lui opposa sa volonté et son oficio, arrachant quelques derechazos au forceps. Impossible à gauche. Lame tombée en conclusion.

Son second, lui aussi très haut et charpenté fut correctement salué à la cape, puis conduit par chicuelinas marchées vers le groupe équestre pour deux piques, la première en poussant fermement. Un toro qui, dans le dernier tiers n’avait rien de facile, car aussi brave que froid et dur avec de la caste devant lequel le torero nîmois démontra toute sa capacité et une grande maitrise technique, notamment de la gauche pour une faena des plus sérieuse. Estoconazo et oreille de poids.

Auréolé d’un succès à Dax, El Rafi trancha le premier pavillon de la soirée devant le second de la bande « Clape », un toro piqué en trois séances, provocant un batacazo à la 2eme, chaque fois en rentrant fort dans le matelas. Un bon toro, noble et qui transmettait dans l’étoffe le temps de six séries ambidextres bien administrées, notamment sur la rive gauche. Le torero de Nîmes allongea un poil trop la séance, face à un toro lorgnant les tablas, se faisant cueillir sur une tentative de cambio en fin de faena. Accrochage sans mal avant entière légèrement tombée.

L’affaire pris une tout autre tournure devant le quinto, un impressionnant sardo aux attitudes frileuses qui décontenança quelque peu les piétons. Lourdement et mal piqué en quatre assauts, l’animal arriva quelque peu éprouvé dans le dernier tiers, n’en demeurant pas moins sérieux, tardito et reprenant finalement du poil de la bête à mi-faena pour finalement dominer la partie. Quelques échanges sur les deux bords, sans véritable son, le nîmois logeant une lame entière après pinchazo.

FICHE TECHNIQUE DE LA CORRIDA

Arènes de Béziers. Feria d’Aout. 2/3 d’arène. 6 toros de Robert et Olivier Margé.

Présidence : Mr Daudé, assisté de MM Albouy et Fournials

Poids des toros : 510, 480, 490, 540, 530, 525.

Indulto du toro « Revilla » n°170, né en mars 2019, colorado de 490 kg, 3eme.

Vuelta al ruedo au toro « Pays d’Oc » n°174 né en février 2018, castaño de 525 kg, 6eme.

ADRIEN SALENC(cardinal et or) : silence et oreille

EL RAFI(bleu minéral et or) : oreille et silence

CARLOS OLSINA(rouge carmin et or) : deux oreilles symboliques et silence après avis

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