Et trois qui font quatre ! Avec trois oreilles coupées, ce soir dans les arènes de Nîmes, le matador de toros arlésien Juan Leal s’est accroché une quatrième Porte des Consuls à son palmarès, la deuxième consécutivement. L’arlésien le doit à son abnégation, son courage et son panache débordant tout au long de la tarde, parfois au détriment du côté artistique de la chose… Il le doit aussi à un président Valade généreux dans l’octroi d’une deuxième oreille au premier toro de l’arlésien. Généreux encore, au moment d’accorder la vuelta posthume, justement à ce second et brave toro. Une « Valaderie », une de plus dont le public local n’est plus vraiment surpris, hélas, mais qui n’engage encore une fois que moi de le souligner. Un toro brave dans le dernier tiers, mobile, vibrant mais un toro très peu piqué (une pique correcte, mal exécutée et un picotazo). Pourtant il me semble que le propre d’un toro de combat est justement de combattre. Hors il ne combattit pas face au lancier…

Ceci étant dit, cette seconde corrida de la cuvée 2021 dans la Feria des Vendanges s’est déroulée devant une chambrée proche des 5500 spectateurs… inquiétant malgré la période pour un samedi soir de feria. Ciel bleu, soleil brulant à l’heure du paseo, retardé pour cause de fronde anti-taurine sur le parvis des arènes. Des hurluberlus, vociférant leurs slogans arithmétiques et franchement redondants tout au long de la tarde. Brève pause au quatrième le temps de courir à la droguerie du coin afin de changer les piles du mégaphone et ce fut reparti. Personne d’autorité pour faire taire les impétrants pour ce qui ressemble quand même à ce qui s’appelle « un trouble à l’ordre public ». Bref, une nouvelle fois ils nous ont cassés les oreilles, pour ne pas dire plus.

En piste un mano à mano entre Daniel Luque, l’un des toreros de la temporada et l’arlésien Juan Leal. La glace et le feu. Le tout arbitré par les toros de Domingo Hernandez formant un ensemble bien présentés, charpentés pour certains, armés les 1, 5 et 6. Braves les 1 et 2, encasté les 4 et 6. De moindre classe le 3, exigeant et violent le 6. Le 2eme « Cartagines » brave, vibrant à la charge allègre fut comme dit plus haut primé d’une vuelta al ruedo lunaire, carton jaune au président Valade, piqué trois fois certes mais deux fois sans que n’entre le fer avant une troisième dose mal exécutée.

A Daniel Luque fut échu le lot le moins propice au succès. A Juan Leal le lot le plus maniable, à un degré moindre l’ultime. Si l’arlésien fut le plus souvent boosté par un public chauffé à blanc dès la première partition du garçon, l’andalou fut en revanche souvent mal compris par une partie du conclave, dans des trasteos plus techniques et moins provocateurs.

Daniel Luque hérita en premier lieu de « Alberguero », un animal bas, bien roulé et armé, de presque six ans qui laissa l’andalou inédit à la cape. Bien capté au premier assaut, il renversa la cavalerie à la seconde morsure du fer. Applaudissements au lancier Manolo Cid. Le torero andalou signa ensuite une faena sublime de profondeur avec la main gauche. Une excellence muletera, faite d’inspiration malgré quelques ruptures de rythme chez le cornu. L’ensemble fut accueilli avec frilosité par les travées et d’intensité décroissante avant que Luque ne loge une lame entière trasera précédent une débâcle du puntillero.  

Face au troisième « Veneto », l’andalou édita une partition dans le même ton, précédée d’un tiers de piques sans saveurs et d’un quite sans vibrations de Juan Leal. Face à un toro flojo et dénué de classe, Daniel Luque proposa un labeur technique qui porta peu sur les étagères. Pinchazo avant entière.

Le sévillan se retira après avoir démuni d’une oreille le cinquième de l’envoi « Parcelero », armé et salué par de fines et sublimes véroniques qui aurait fait rugir le tout Seville. Lidia soignée, deux piques brèves. Labeur muletero de grand intérêt technique pour une faena d’intensité croissante qui trouva son point culminant dans une série de luquecinas puissamment exécutées dans un périmètre restreint. Pinchazo puis estoconazo en mouillant les ongles. Oreille.

Juan Leal mis les travées au feu et à sang face à son premier toro « Cartagines » pour une entame de faena tambours battants par passe changée dans le dos, les deux genoux dans le sable. Un toro qui faussa compagnie à la troupe pour foncer seul vers Tito Sandoval qui ne piqua pas. Deuxième rencontre lors de laquelle le fer effleura à peine le cuir du bicho avant troisième rencontre, celle-ci plus mordante mais mal exécutée. Malgré une voltereta à mi-chemin, Juan Leal proposa une partition enjouée, aux inévitables penchants trémendistas mais comprenant quelques très bons passages sur la rive droite avec tout de même parfois un certain défaut esthétique. L’arlésien profita à souhait d’un animal vibrant et allègre, y opposa sa décision et son entrega jusqu’à l’épée finale, en place. Deux oreilles, contestée la deuxième et vuelta incompréhensible au toro.

Devant le quatrième « Treinta y cinco » Juan Leal ne put augmenter son bilan comptable après une faena de mas a menos débutée par passe du pendule puis poursuivie avec engagement devant un toro mobile et encasté.

Le torero d’Arles s’est vu octroyer un trophée supplémentaire synonyme de Porte des Consuls après avoir estoqué l’ultime « Clarin » d’une demi-lame traserita. Une faena concise et épaisse face à un toro qui afficha une rapide propension à chercher les chevilles du garçon qu’il avertit à plusieurs reprises. Le bicho trouva l’ouverture et souleva spectaculairement le piéton qui ne se dégonfla pas pour autant. Juan Leal prouva son envie et ses ganas « con dos cojones », mis à l’épreuve et chahuté, parvenant à tirer de bonnes séquences sur la rive gauche. Si les puristes se grattent la tête de voir le garçon opter pour ce concept tremendista, distance raccourcie à son paroxysme, le grand public semble quant à lui davantage y gouter. Oreille avec pétition de la seconde.

FICHE TECHNIQUE DE LA CORRIDA

Organisation : Simon Casas Production France

Présidence : Mr Valade assisté de Mrs Crudo et Pouillard

Poids des toros : 533, 515, 508, 512, 545, 517.

Cavalerie Heyral. 13 rencontres.

Sobresaliente: Jeremi Banti

Salut du banderillero Marco Leal au sixième

Vuelta al ruedo posthume accordée à la dépouille du deuxième « Cartaginés » numéro 103 né en octobre 2015 de 515 kg.

DANIEL LUQUE (groseille et azabache): saluts au tiers, saluts au tiers et oreille

JUAN LEAL (feuille de menthe et or) : deux oreilles, palmas après avis et oreille.

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