Les toreros sont faits d’une autre matière que le commun des mortels ! Quelle soirée d’émotion, d’une tension que l’on aurait pu aisément toucher du doigt. Une course épique, sans véritable temps morts, marquée par la race, la détermination, le courage mais surtout le pundonor et l’honneur des trois toreros du jour. Avec bien entendu un hommage tout particulier à Juan Leal, immense d’heroïsme, blessé par ses deux toros et actuellement du côté de l’Hopital de Carémeau où il passe des examens.

Victoriano del Rio avait conduit, depuis Guadalix de la Sierra, un lot de toros très bien présentés, bien armés et sans excès de poids. Un envoi digne d’intérêt et sérieux, dont le caractère a tenu cette course en haleine avec quatre voir cinq toros enracés voire très exigeants. Tous maniables à divers degrés de difficultés, encastés les 4, 5 et 6, noble et avec de la classe le 2, dénués de classe les 1 et 3. L’ensemble fut discret dans son investissement face aux équidés de la cavalerie Heyral, hormis le sixième plus spectaculaire en trois assauts diversement bien captés.

Arène quasiment pleine, en marge d’une manifestation visant à défendre et démontrer toute la légitimité des tauromachies au cœur de notre patrimoine culturel, sans cesse remis en cause notamment au cours des dernières semaines, Aymeric Caron en tête de gondole. Un pitre de plus en mal de d’audience au cœur des sondages et venu racoler sur le dos de la tauromachie… soit dit en passant.  

Froid glacial et vent désagréable, pour le public comme pour les acteurs, tout au long d’une soirée qui semble vouloir dire merde à l’été déclinant.

Le grand gagnant de la soirée se nomme Isaac Fonseca. Le torero du Michoacan, qui venait confirmer son alternative est sorti sur les épaules par la grande porte de l’amphithéâtre romain pour avoir coupé les deux oreilles de son second adversaire « Orador ». Une faena marqué par une gestuelle assez bluffante à un stade très peu avancé encore dans carrière du mexicain qui toréait là seulement la quatrième corrida depuis sa prise d’alternative le 11 aout dernier. Une faena variée, très dense et appliquée par alternance de bons mouvements sur les deux ailes, avec final par bernardinas serrées, voltereta comprise et coup de canon libérant deux pavillons chaleureusement fêtés. Le toro de la cérémonie « Orador » également, de loin le plus mauvais de la course ne lui permit guère de s’exprimer. Faena à l’intensité déclinante conclue par une lame en place d’effet rapide.

Auréolé d’une sortie par la Porte des Consuls en juin, Juan Leal revenait dans le Gard avec la ferme intention d’y ancrer un peu plus son cartel. Brillant salut capotero devant « Horador » par véroniques et tafalleras données sans bouger un orteil. Deux piques sans style avant que Marco Leal ne se distingue brillamment dans la pose des bâtonnets. Entame tonitruante par statuaires au centre, passe changée puis celle du mépris. Bonne tanda droitière avant que le vent ne vienne faire se découvrir l’arlésien qui fut pris très violemment. Très lourde voltereta, le torero restant de longues secondes à la merci du fauve. Groggy, comme roué de coups, le torero d’Arles retourna au feu sans se regarder. Avec un immense pundonor, Juan Leal vint tracer une faena intense, au tracé très harmonieux malgré un corps meurtri par les coups. Labeur stupéfiant de temple et de grand pouvoir, probablement la meilleure qu’il m’est été donné de voir de la part du protégé de Simon Casas. Héroïsme total jusqu’au coup d’épé final. Une lame tombée, logée dans la soute nécessitant l’usage du descabello. Oreille valant le poids d’une grande porte.

Revenu de l’infirmerie pour son deuxième combat, Juan Leal est apparu blême et très diminué. Rigide dès les capotazos de réception, le garçon laissa le soin à Marco Leal de lidier, guidant le fauve vers deux rencontres sans grand style. L’arlésien se déplaça titubant vers le centre pour dédier son combat au respectable où il fut à nouveau brutalement pris dès l’entame. Un accrochage laissant craindre le pire. Dans un état second, et dépourvu de lucidité, Juan Leal exorta ses hommes de le laisser poursuivre avant d’être évacuer de force vers l’unité médicale de la plaza…

C’est à Andres Roca Rey qu’est revenue la lourde tâche de poursuivre la lidia devant « Cantaor ». Un toro exigeant et de peu de classe que le péruvien embarqua dans plusieurs séries de bon ton, notamment à droite. Faena sérieuse et consistante, bien menée et conclue d’une lame fulgurante. Oreille déposée à la porte de l’infirmerie par le limeño qui ne fit pas non plus vuelta. Son premier « Cantarista », mis légèrement les formes sous le fer en deux assauts bien contenus. Au milieu des caprices d’Eole, Andres Roca Rey ne put rien tirer d’un opposant à la classe inédite. L’ultime « Exotico » fonça trois fois spectaculairement vers la cavalerie, mais n’y fut réellement châtié que sur une seule prise de fer. Face à un animal exigeant, défensif et parfois abrupt, Roca Rey édita une œuvre d’intensité décroissante, supérieure dans le tracé des derechazos et contrariée par le vent soufflant en rafales. ¾ de lame en place et flopée de descabellos.

FICHE TECHNIQUE DE LA CORRIDA

Arènes de Nîmes. Feria des Vendanges. 9/10 d’arène. Froid et vent. 6 toros de Victoriano del Rio.

Président : Mr Pastor

Cavalerie Heyral. 13 rencontres

Poids des toros : 518, 516, 518, 524, 551, 515.

Salut du banderillero Marco Leal au 2eme.

Isaac Fonseca a confirmé son alternative devant le toro “Orador” n°85, né en février 2018 de 518 kg.

JUAN LEAL (malabar et or) : oreille après avis et blessure

ANDRES ROCA REY (orange et azabache) : silence, oreille et silence après avis

ISAAC FONSECA (blanc et or) : saluts et deux oreilles après avis

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