Maxime Solera, novillero de Fos-sur-Mer exilé en Catalogne, prendra l’alternative dans les prochaines semaines à l’occasion de la Feria d’Arles. Apodéré par le maestro nîmois Denis Loré, Maxime Solera deviendra le soixante-neuvième torero français à être sacré matador de toros. Une cérémonie qui se déroulera au cœur d’un cartel luxueux. Des toros de La Quinta et entouré de Morante de la Puebla et Pablo Aguado, deux des plus grands artistes du toreo actuel.

Rencontré à l’occasion d’un tentadero de deux machos de la Ganaderia Dos Hermanas, le futur matador de toros a eu la gentillesse de répondre à quelques questions. Il nous parle de cette fameuse alternative, mais aussi du sentiment qu’a engendré l’arrivée de la crise sanitaire, sa préparation mais aussi sa vision de la tauromachie actuelle.

*Cet entretien a été réalisé avant les dernières annonces gouvernementales qui pourraient entrainer (on ne le souhaite évidemment pas) quelques modifications de calendrier et notamment concernant la tenue de la Feria d’Arles aux dates prévues du 4 au 6 juin.

Sol y Sombra : Bonjour Maxime, tout d’abord comment vas-tu et comment s’est passé cet entrainement ?

Maxime Solera : Je vais bien, même très bien. Je ne m’arrête pas ces derniers temps mais je me sens dans une super forme autant physiquement que mentalement. Aujourd’hui ce fut un très bon entrainement avec deux toros de Patrick Laugier complètement différents qui m’ont permis de travailler deux facettes de ma tauromachie.

Le premier avait beaucoup de qualités, très noble et permettait de « peguer » de bons muletazos par le bas, j’ai pu m’exprimer et me régaler. Après le second était beaucoup plus complexe, il a fallu aller à la guerre et c’est, je pense, au cœur de ce genre d’opposition que je dois le plus progresser et m’améliorer. J’en ai pleinement conscience. Quand tu sors d’un entrainement comme celui-ci et lors duquel tu captes les points à améliorer c’est génial.

SyS : Comme beaucoup de tes compañeros la temporada 2020 s’est révélée particulièrement difficile. Ton alternative à Arles a été annulée et tu as dû repartir pour un tour dans la catégorie des novilladas piquées. Comment l’as-tu vécu ?

MS : L’an dernier, avant la pandémie j’avais déjà ma despedida de novillero à Madrid de signée puis mon alternative suivie de quatre ou cinq corridas de toros actées… Donc forcément en tant que novillero, c’est le rêve d’avoir une temporada ainsi constituée. Forcément, voir cette alternative tomber à l’eau, avec un cartel de cette importance et dans une arène d’importance comme Arles ça fout un coup au moral. Mais comme à chaque fois qu’il y a un coup dur il a fallu rebondir, essayer de trouver quelque chose de positif au cœur de cette situation. J’en ai profité pour beaucoup réfléchir, penser et repenser mon concept du toreo, l’approfondir et surtout le mettre en application.

La situation était compliquée car on ne savait pas vraiment où l’on allait, pour ainsi dire dans ces cas-là, tu te prépares sans vraiment te préparer, c’est ce qui est difficile. Et comme la pandémie a pris de l’ampleur et que les choses se sont rallongées j’ai du coup profité de cette année particulière pour travailler et essayer de m’améliorer au maximum. En conclusion je dirais que cette année 2020 aura eu un goût amer mais que j’ai su tirer beaucoup de positif de cette période délicate.

Istres 2020

Je ne peux que témoigner ma gratitude à Jean-Baptiste Jalabert d’avoir reconduit mon alternative

SyS : Finalement la direction des arènes d’Arles t’a renouvelé sa confiance afin que tu puisses y prendre l’alternative…

MS : Quand on voit les cartels prévus pour les Ferias d’Arles en juin comme en septembre, que l’on voit les toreros qui n’y sont pas programmés et me voir moi reconduit pour mon alternative je ne peux que témoigner ma gratitude à Jean-Baptiste Jalabert. J’ai le moral boosté à fond par la confiance et le respect qui m’a été témoigné, mais aussi par la grande dimension du cartel. Forcément cela donne envie de se donner à 200%, d’être sérieux à l’entrainement comme toujours et de redoubler d’efforts. C’est un grand, très grand évènement.

Morante de la Puebla et Pablo Aguado viennent dans mon “secteur”, forcement cela décuple l’envie…

SyS : Comment te prépares-tu pour cet évènement si important dans la vie d’un torero ?

MS : Avant tout, je dirais que je suis focalisé sur mon quotidien, mon entrainement au jour le jour. Le travail qui se fait en amont va me permettre d’arriver parfaitement préparé pour le jour J. Quand on voit la dimension du cartel et cette « espectación » que cela génère, cela donne envie de tout faire pour en être à la hauteur. Voir Morante de la Puebla qui est quand même un génie du toreo, une légende vivante même et Pablo Aguado, un torero si talentueux venir dans « mon secteur » de par le caractère plutôt « torista » de l’affiche, forcément cela décuple l’envie. Tout le monde sait que ces toros de La Quinta, quand ils « se laissent » permettent de faire des choses magnifiques. Le toro permet de rassembler des styles de toreros différents, de nourrir beaucoup d’intérêt et c’est le cas avec ce cartel où chacun sera là selon son propre concept du toreo. Les « armes » des uns ou des autres, ces concepts différents représentent un sérieux attrait pour les aficionados. Il peut y avoir de vraies belles surprises et c’est ce qu’il faut pour intéresser le public et lui donner l’envie de venir aux arènes.

Saint-Gilles 2019 (Photo Melanie Huertas)

Je me sens très attendu et soutenu …

SyS : Ressens-tu une grosse attente de la part du public ?

MS : Je me sens très attendu bien sûr mais surtout je me sens énormément soutenu et je tiens vraiment à remercier tous les aficionados pour leurs marques d’affection et l’immense soutien qu’ils me témoignent. C’est quelque chose qui fait chaud au cœur, je sais que toutes les personnes qui me suivent et m’apprécient seront là le jour de mon alternative. Cela rajoute un peu de pression mais c’est galvanisant et je vais utiliser cette pression pour m’améliorer et me donner à fond.

SyS : As-tu déjà eu une expérience avec le bétail de La Quinta ?

MS : Je n’avais jamais eu l’opportunité d’affronter du bétail de La Quinta avant que ne soit programmée mon alternative. Ni en public ni en privé. Ce sera donc ma présentation en France avec cet encaste Santa Coloma – Buendia. Même si J’ai déjà toréé du Santa Coloma, un très bon novillo d’ailleurs de Flor de Jara auquel j’avais coupé deux oreilles à Andorra de Teruel.

Je me suis rendu récemment chez La Quinta ou j’ai pu toréer un toro très important, très exigeant avec lequel je me suis vraiment bien senti. Cet encaste là à quelques secrets à connaître pour affronter ces animaux. J’ai pu en parler avec les ganaderos avant et après ce tentadero et je dirais que 80% des choses que j’ai faites ont été bonnes. Il y a bien entendu quelques détails très important à régler mais les sensations sont bonnes. C’est un encaste très très intéressant pour le torero mais aussi et surtout pour les aficionados.

Chez La Quinta, mars 2021 (Photo Melanie Huertas)

SyS : Comment se déroule ta préparation ?

MS : Disons que la préparation a été un peu particulière comme je te disais depuis un an, en fonction de l’évolution de la situation sanitaire. J’ai la chance de faire énormément de campo, d’être régulièrement devant des toros. D’ailleurs avant cette année je n’avais pas toréé de toros de quatre ou cinq ans donc pour moi ce fut une découverte. Mon but en début d’année était et est toujours de donner une nouvelle dimension à ma tauromachie, de jouer davantage avec les temps que t’impose le toro adulte. Le toro âgé de quatre ou cinq ans te permet de donner généralement moins de muletazos. Donc ces muletazos là doivent être les plus aboutis possible et de très bonne qualité en y intercalant bien entendu la toreria nécessaire, remplir les temps de manière sincère. C’est là qu’est la complexité de la chose car si l’on ne fait rien on s’endort et a contrario il ne faut pas sur jouer car mon concept est avant tout basé sur la sincérité et l’entrega. En fait, la tauromachie c’est un peu comme une partition de musique, il faut être sur la bonne mesure, le bon rythme. Pour cela il faut être capable de capter les facultés du toro dès la réception à la cape. Et si à ce moment précis tu n’es pas en capacité de comprendre l’animal tu te retrouves sur un faux rythme tout au long de la faena.

SyS : Il y a l’alternative bien sûr, mais de quoi sera faite la suite de ta temporada ? As-tu, avec ton apoderado Denis Loré un plan « d’action » défini ?

MS : Pour le moment, sans surprise je vais te dire que Denis et moi-même sommes axés sur l’alternative. C’est un encaste bien spécifique et j’ai pour habitude de préparer course après course en focalisant le travail en fonction de l’encaste que je vais affronter.

Aujourd’hui on peut dire que La Quinta est une « bonne » ganaderia dans le sens de la toréabilité, donc il a fallu « apprendre à toréer » plus artistiquement ». Avec le parcours qui est le mien, dans les novilladas dites dures, je me devais de travailler davantage le côté « toreria ». Donc j’ai axé une partie de ma préparation sur cet aspect-là.

Arles 2019, novillo “Purpanito” du Lartet.

Derrière j’ai la corrida d’Istres lors de laquelle je vais affronter un toro de Jalabert, d’origine Domecq. Encore une fois, on est potentiellement sur du « bon toro » donc il faut pouvoir en être à la hauteur. Et puis il y a Ceret, avec une corrida de Raso de Portillo qui est plus dans mon créneau habituel et qui nécessite là aussi une préparation bien spécifique. Il devrait y en avoir d’autres qui vont suivre et que je ne peux pas évoquer pour en tout cinq dates déjà signées ce qui est énorme pour un novillero qui va prendre l’alternative et d’autant plus dans le contexte actuel. C’est pour cette raison que je dois me montrer à la hauteur, être capable de justifier mon engagement et me gagner dix, douze ou quinze contrats pour 2022.

Si la tauromachie ne s’uni pas, alors elle court à sa perte…

SyS : En ce moment, avec notamment cette satanée crise sanitaire, on évoque beaucoup l’avenir de la tauromachie. On dit qu’elle doit se renouveler, s’adapter, être repensée. Quel est ton avis sur la situation ?

MS : Je pense tout simplement que la tauromachie doit s’unir, aujourd’hui plus que jamais. L’union fait la force comme on dit et avec de l’envie on peut déplacer des montagnes, faire de grandes choses. Si l’on a envie tous ensemble, que l’on s’unit, de grandes choses peuvent être faites. Dans le cas contraire ce serait courir à notre perte, rapidement.

Merci beaucoup Maxime pour ta disponibilité et suerte !

Carcassonne (Photo Melanie Huertas)

Le calendrier de Maxime Solera

Arles, Samedi 5 juin 2021 : Toros de La Quinta pour Morante de la Puebla, Pablo Aguado et MAXIME SOLERA (Alternative).

Istres, samedi 19 juin 2021 : Toros de six ganaderias françaises pour Thomas Dufau, Andy Younes, Leo Valadez, Adrien Salenc, Tibo Garcia et MAXIME SOLERA.

Ceret, dimanche 18 juillet 2021: Toros de Raso de Portillo pour Fernando Robleño, Gomez del Pilar et MAXIME SOLERA.

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